À cet égard, l’argument post hoc ergo propter hoc mérite une explication car ce sophisme est fréquemment accepté comme une vérité incontestable. En gros, pour ceux qui n’ont étudié que l’espéranto comme langue morte, en latin, cette expression signifie : à la suite de cela, donc à cause de cela. Bon nombre de croyances et de superstitions relève de ce raisonnement qui confond la temporalité et la causalité : cet événement s’est produit parce qu’un autre événement l’a précédé. L’erreur consiste donc à considérer l’ordre des événements plutôt que d’envisager des relations qui excluraient cet ordre. On voit l’ampleur des impostures dues à l’utilisation de ce raisonnement puisque l’établissement de relations de cause à effet est une pratique répandue en politique, en économie, dans la démarche scientifique, en médecine, etc.
Avec l’argument péremptoire (je le dis, donc c’est vrai), l’argument post hoc ergo propter hoc est un des fondements des différentes patamédecines qui font florès, en particulier grâce à Internet. La raison en est simple : les patamédecines et autres pseudosciences refusent l’évaluation rationnelle de leur efficacité ou de leur validité. Et quand ces évaluations sont effectuées selon des études fondées sur des protocoles scientifiquement et universellement reconnus, elles sont négatives. Lors, comment continuer à vendre son idéologie ou sa camelote ? Tout simplement en utilisant des arguments bancals et l’argument qui met en cause l’antériorité, voire l’ancienneté, associé parfois à l’argument du nombre, semble toujours frappé au coin du bon sens, d’autant qu’il n’est pas forcément obligatoire d’être équipé d’un Q.I. à trois chiffres pour le comprendre. Un exemple : "l’acupuncture marche forcément puisque des millions de personnes la pratiquent depuis plusieurs millénaires". C’est l’argument classique des conservateurs : tout le monde a toujours fait comme ça, pourquoi changer ? Et surtout, n'utilisons pas les techniques modernes permettant de vérifier statistiquement la validité d'une telle affirmation ! Les charlatans des médecines dites "naturelles" tentent de prouver les bienfaits de leurs soins par cet argument facile à gober puisque les deux événements énoncés sont indubitablement authentiques : je bois du jus de pamplemousse tous les matins et je n'ai jamais la grippe, donc le jus de pamplemousse empêche d'attraper la grippe. Un esprit rationnel n'envisagerait même pas de prononcer une telle conclusion qui relève de la pensée magique. Mais trouve-t-on des esprits rationnels chez les adeptes des médecines parallèles ? Et puis la magie des choses est tellement plus attirante que la dure réalité des faits, ressentie souvent comme une désespérance par les adeptes des patamédecines. Les démarches religieuses et sectaires sont aussi de cette nature.
Les exemples de relation de cause à effet inappropriée sont nombreux et dépendent des croyances de chacun : on imputait aux passages des comètes des catastrophes « naturelles » (épidémie, famine…), on brûlait les sorcières à cause de ces mêmes épidémies ou famines, on reconnaît qu’une astrologue a des talents divinatoires car elle a prédit une catastrophe qui forcément aura lieu un jour ou l’autre. Tout cela a autant de sens que d’affirmer qu’on a gagné au loto parce que la veille on a bu un verre de pisse.
Finissons sur une croyance bien répandue qui n’a strictement aucun fondement. On a toujours dit que les soirs de pleine lune, les femmes accouchaient plus fréquemment. Rien n’est plus facile que de vérifier cette affirmation pour les décennies précédentes, puisque les soirs de pleines lunes, on les connaît, et que les naissances sont enregistrées. En conséquence, si corrélation il y a, il sera facile de la démontrer. Résultat : il n’y a absolument aucune augmentation significative des naissances les nuits de pleine lune… Malgré tout, cette croyance possède un fondement, car les soirs de pleine lune, beaucoup de femmes sont certaines qu’elles vont accoucher ; alors, elles se présentent à la maternité, ce qui engendre un surcroît d’activité, jusqu’au moment ou elles rentrent tranquillement chez elles en attendant l’échéance naturelle.
Pour ceux qui connaissent la blague, c’est l’équivalent de ce que dit l’indien : « Homme blanc qui coupe du bois annonce un hiver froid ».
Michel Tournon
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