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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 13:05

Comment qualifier les médecines qui n’en sont pas ?

Thon au naturel
    Certains parlent de médecines « naturelles ». Autant je comprends ce qu’est une boîte de thon « au naturel », autant je trouve ce qualificatif inapproprié lorsqu’il accompagne le mot « médecine ». D’abord, parce qu’il laisse entendre que la vraie médecine serait artificielle, miraculeuse,  voire surnaturelle ; ensuite par ce que le mot « naturel » est tellement ouvert qu’on y met ce que l’on veut à l’intérieur.

    Se soigner par les plantes ou de l’argile, c’est naturel, me direz-vous. Soit, mais bon nombre  de remèdes de la pharmacopée classique sont issus aussi de plantes, de produits minéraux, voire de molécules copiant à l’identique celles de certaines plantes. On peut aussi considèrer que ce qui est naturel, c’est ce qui n’a pas été transformé par l’homme.  Dans ces conditions, des extraits, des infusions, des huiles essentielles, voire des mélanges fussent à base de produits naturels, ne sont pas naturels....

    Certes, le mot naturel est rassurant, les naturopathes en usent et abusent … Je leur répondrais que je me soigne en mangeant de la viande, en buvant du vin et du whisky qui sont eux aussi des produits naturels puisqu’élaborés à partir d’éléments fournis par Notre Mère Nature. En outre, le curare et l’amanite phalloïde sont aussi naturels…
 

  Euclide, réveille-toi !
    On parle également de médecines « parallèles ». Cette métaphore géométrique me plaît assez puisque les mondes parallèles, jusqu’à preuve du contraire, n’existent pas, hormis pour une poignée de happy few, que je qualifierais plutôt de happy fous. La métaphore géométrique a ses limites et il serait plus exact de qualifier ces médecines de « perpendiculaires », tant elles s’exercent in fine à l’encontre de l’intérêt du malade, voire de médecines circulaires tant elles se mordent la queue en refusant toute évolution puisqu’aux yeux de leurs adeptes la reproduction à l’identique de pratiques ancestrales est un gage d’efficacité. N’oublions pas que respecter une tradition, voire la perpétuer, c’est pratiquer un Copier/Coller sans se poser la question de sa pertinence.

    Patate douce
    D’aucuns qualifient ces thérapies par le mot « douces » ; l’objectif est double : appâter les patients en mal d’affection et qualifier implicitement de « dure » la vraie médecine. Quel est le crétin qui va préférer une thérapie qui fait mal à celle qui lui rappellera le doudou de son enfance ?

    Malheureusement, ce choix est aussi inapproprié : préconiser le jeûne pendant plusieurs semaines, ou s’enfiler un tuyau dans le fondement pour irriguer son colon comme la dernière rizière venue ne sont pas des pratiques particulièrement douces. Par ailleurs, il serait tout à fait indécent de qualifier de « douces » des thérapies qui aggravent la maladie du patient voire qui le tuent car un gourou l’aura convaincu d’abandonner son traitement au profit de soins que l’on pourrait qualifier de pratiques farfelues si la situation n’était pas tragique.   

    Merdre !
    Personnellement, j’aime bien le terme de patamédecine, en référence à la pataphysique qu’Alfred Jarry définissait comme  la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité. Cette définition s’accorde bien avec le manque de validité reconnue desdites médecines (sinon, elles n’auraient pas besoin d’un adjectif pour les désigner). Malheureusement, Ubu est tombé dans l’oubli, Cornegidouille ! Et je ne suis pas certain que le mot « patamédecine » soit bien compris, alors qu’il est pertinent, la patamédecine étant à la médecine ce que la pataphysique est à la physique.

     Il était une foi...
    Finalement,  je pense que la meilleure façon de nommer ces médecines, c’est de les qualifier selon leur dénominateur commun. Ces médecines ne sont pas reconnues car en guise de preuves scientifiques (exigibles pour être validées) elles fournissent des témoignages du genre : « avec la Croix Vitafor, je ne suis pas mort ». L’absence de preuves raisonnées est parfois due au fait que les promoteurs de la thérapie en question refusent de participer à toute évaluation rationnelle ; ou simplement parce que ces évaluations ont eu lieu de manière systématiquement négative. C’est le cas, par exemple, de l’homéopathie dont les supporters n’ont de cesse de vouloir prouver la validité scientifique, notamment par cette prétendue mémoire de l’eau pour laquelle les laboratoires Boiron ont financé en grande partie les recherches de ce malheureux Benvéniste.

    Compte tenu de ces raisons, je pense qu’il serait exact de parler de médecines irrationnelles puisque leurs fondements  ne sont pas issus de la raison mais de la foi de leur promoteur et de leurs adeptes. C’est certainement pour cette raison que bon nombre de ces « thérapies » font un excellent ménage avec les sectes, mais cela est une autre histoire...

 Michel Tournon

 

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