Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 21 mars, jour du printemps ( alors
qu'il venait d'avoir 14 ans ! ) :
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OCEAN
VERS DE JEUNESSE
LE PRINTEMS
Enfin le printemps de la terre
A chassé les tristes frimas :
Des Zéphyrs la troupe légère
Revient embellir nos climats.
L'on n'entend plus dans la vallée
Mugir les terribles autans,
Et sur la plaine désolée
L'eau ne tombe plus par torrens.
L'hiver au fond de ses montagnes
A fui pour ne plus revenir ;
Tout s'anime dans nos campagnes,
La terre semble rajeunir.
Déjà l'azur de l'empyrée
N'est plus obscurci de vapeurs,
La nature belle et parée
Renaît déjà parmi les fleurs.
Le berger sous de frais ombrages
Chante sa Chloris et l'amour,
Et les oiseaux de leurs ramages
Remplissent les bois d'alentour.
De petits ruisseaux dans la plaine
Traînent en murmurant leurs eaux,
Et des Zéphyrs la douce haleine
Soupire à travers les rameaux.
Ici, dans les jardins que Flore
Comble de toutes ses faveurs,
Mille fleurs s'empressent d'éclore,
Et charment l'oeil par leurs couleurs.
Là, dans un riant pâturage
Errent de superbes taureaux,
Et la chèvre agile et sauvage
Broute sur le flanc des côteaux.
Mais lorsque tout dans la nature
Semble s'orner et s'embellir,
Lorsque tout reprend sa parure,
Echo, seule on t'entend gémir.
De ta plainte toujours nouvelle
Tu fais retentir nos vallons,
Et pour t'écouté, Philomèle
Suspend un moment ses chansons.
Que vois-tu ? Du haut des montagnes
Roule un torrent impétueux,
Qui dans nos brillantes campagnes
Répand ses flots tumultueux.
Tantôt, cascade éblouissante,
Du sommet d'un roc sourcilleux
Il tombe, et son onde bruyante
Rejaillit au loin vers les cieux.
Tantôt, dans son cours plus tranquille
Il coule sans être arrêté,
Et dans un terrain peu fertile
Apporte la fécondité.
Le laboureur plein d'espérance
Voit l'arbre de fleurs se couvrir,
Son coeur se réjouit d'avance
Des fruits qu'il y pourra cueillir.
Pour moi, de qui la faible Lyre
Médite des sons peu flatteurs,
Printems, si ta grâce m'inspire,
J'espère plaire à mes lecteurs.
Victor Hugo - 21 mars 1816