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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 14:30

      Lors de précédents articles, je vous faisais part du décès de personnes qui avaient voulu suivre les conseils de thérapeutes alternatifs, d’astrologues, de gourous de tous poils1. Les responsables de ces décès sont la plupart du temps connus, et parfois condamnés. De fait, dans ce type de situation, il semble aisé de retrouver le responsable, puisque la plupart du temps, il y a eu rencontre physique entre lui et sa victime.

      Même dans les cas où la mort est due aux (mauvais) conseils lus dans un ouvrage, l’auteur peut être inquiété, je pense en particulier à l’un des auteurs du livre
Suicide mode d’emploi qui a dû s’acquitter d’une amende à deux reprises2

       Avec le Web, la donne a changé, au moins pour trois raisons :

    Par le biais des sites et des blogs, tout le monde peut écrire n’importe quoi et son contraire, sans être inquiété (sauf pour la diffamation les appels au meurtre, à la pédophilie, etc). La diffusion par le Web permet à certaines informations d’ordinaire confidentielles de se multiplier sans limite : paradoxalement, plus une information semble aussi extraordinaire qu’infondée, plus elle trouvera des « militants » pour la relayer, même comme horssujet dans des listes diffusions, blogs, forum, commentaires de blogs, etc.

      Les conséquences d’une telle propagation relèvent de la perversité car les moteurs affichent en premières occurrences les pages contenant les mots clés les plus souvent utilisés. Résultat, les premiers articles affichés ne sont pas les plus pertinents quant à la validité de l’information proposée, loin s’en faut !
 Or, s’il y a bien une chose que l’on n’apprend pas à l’école, c’est trier l’information, évaluer sa validation par divers recoupements, et surtout, exercer son esprit critique en exigeant des sources et des référencements fiables pour toute information diffusée, indépendamment du biais de confirmation3

      Une autre caractéristique des informations diffusées via le Web, c’est l’apparent anonymat de leur auteur. La plupart des articles ne sont pas signés, voire signés d'un pseudo. Dans les blogs et leurs commentaires, dans les listes de diffusion et autres forums, c’est même une règle absolue.

       Cet anonymat n’est qu’apparent, puisque nos interventions sur le Net sont caractérisées par une adresse IP, adresse qui permettrait de retrouver l’ordinateur à partir duquel le message a été envoyé, à supposer qu’à la suite d’une plainte recevable, des policiers puisent farfouiller dans le fichier du fournisseur d’accès, dans la mesure où ils possèdent une commission rogatoire. En réalité, cette procédure est rarement mise en application. 

      L’anonymat est donc bien pratique pour diffuser des informations sans en assurer la validité et ce que l’on pourrait appeler « le service après vente », c’est-à-dire de se préoccuper des conséquences directes, quelles qu’elles soient, dues à la lecture de ladite information. Autrement dit, cet anonymat encourage certains auteurs à publier des informations qu’ils n’auraient jamais oser affirmer de vive voix ou en les diffusant par un média traditionnel permettant de retrouver l’auteur. En outre, le fait de cacher son nom permet également à des gens trop connus de se refaire une virginité éditoriale à bon compte !

      La troisième raison tient à la singularité de la situation du surfeur. Seul, devant son écran, il bénéficie d’un accès immédiat à des millions de pages Web, regorgeant d’informations de toutes sortes, validées ou non. Les technologies (anciennement nouvelles) permettent d’accéder facilement à diverses sources d’information, de l’actualité du jour à la recette du saumon en papillote, du jus de betterave pour guérir le cancer à la grille des tarifs postaux, des horaires SNCF aux considérations métaphysiques de JoeyStarr.

     Ce mélange des genres (dû à l'unicité du média) favorise un nivellement de type pervers car incitant à mettre sur le même pied d’égalité des données qu’il conviendrait de hiérarchiser. Il y a quelques années, Mme Michu disait « C’est vrai, puisque je l’ai lu dans le journal ».

    Cette impression d’avoir accès à toute la connaissance du monde via le Web est aussi la manifestation du paradoxe Hitech : j’ai tous les outils nécessaires pour accéder à l’information et la transmettre (Internet, téléphone portable, GPS...), ce n’est donc pas la peine de bouger mon cul pour chercher une info ou sa confirmation dans un livre, ou pour demander avis ou conseils à des personnes proches (environnement familial, amis, collègue de travail. Dans le meilleur (le pire ?) des cas, on utilisera les forums ou autres blogs , le plus généralement pour obtenir une confirmation de nos croyances.

   L’omnipotence ressentie n’est qu’illusoire car il est néfaste pour une personne seule, confrontée à un problème (maladies, problème de comportement, ennuis au travail…) d’exposer sa situation sur le Net dans le but de récupérer d’éventuelles solutions : la solitude face à l’écran permet d’être juge et partie et l'on sait que les décisions qui vont être prises dans ces conditions risquent de ne pas être pertinentes, voire préjudiciables.

Fin de la première partie. Prochainement nous évoquerons les conséquences possibles d'une telle attitude.


Michel Tournon 

1 What’s the harm        

2  Suicide mode d’emploi

3  Le biais de confirmation 

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