26 juillet 2006
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Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 26 juillet :
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TOUTE LA LYRE
LES SEPT CORDES - III
XLII - INSCRIPTION DE SEPULCRE
Je nais. Qui suis-je ? Ô deuil, j'ai peur, j'ai froid, je pleure ;
Je souffre, je suis homme, hélas !
Il faudra que je vive, il faudra que je meure.
Avant de marcher, je suis las.
Je suis le frais jeune homme, altier comme un génie,
J'aime une femme au pur regard,
Et voici les douleurs, les larmes , l'insomnie.
On aime, on pleure. Hélas, plus tard,
L'âme de souvenirs doucement remuée,
On crie : Ô beaux jours ! temps joyeux !
Car nos amours s'en vont ainsi que la nuée,
Pluie à nos fronts, pourpre à nos yeux.
Je saigne ; tous les coeurs sont ingrats; je travaille,
La terre est plus ingrate encor ;
Mon maître prend l'épi, mon lit garde la paille ;
J'ai faim devant la gerbe d'or !
Voici l'âpre vieillesse, et je me sens décroître ;
Mes amours, mon coeur en lambeaux,
Gisent en moi ; mes jours sont les arches d'un cloître
Jetant leur ombre à des tombeaux.
Ma vie est un suaire et j'en suis le squelette.
Les ans, des maux accompagnés,
Me garrottent ; chaque heure est une bandelette
Sur mes ossements décharnés.
Suis-je une âme ? est-ce un Dieu qui m'attend ? Rien ne semble
L'explication à mes yeux ;
Et ce double inconnu, sous mon grabat qui tremble,
Croise ses X mystérieux.
Le blème horreur du gouffre effare mes prunelles :
Mon jour s'éteint, pâle et terni... --
Azur ! azur ! azur ! Dieu vivant ! j'ai des ailes !
Ô bleu profond de l'infini !
Victor Hugo - 26 juillet 1854
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TOUTE LA LYRE
LES SEPT CORDES - III
XLII - INSCRIPTION DE SEPULCRE
Je nais. Qui suis-je ? Ô deuil, j'ai peur, j'ai froid, je pleure ;
Je souffre, je suis homme, hélas !
Il faudra que je vive, il faudra que je meure.
Avant de marcher, je suis las.
Je suis le frais jeune homme, altier comme un génie,
J'aime une femme au pur regard,
Et voici les douleurs, les larmes , l'insomnie.
On aime, on pleure. Hélas, plus tard,
L'âme de souvenirs doucement remuée,
On crie : Ô beaux jours ! temps joyeux !
Car nos amours s'en vont ainsi que la nuée,
Pluie à nos fronts, pourpre à nos yeux.
Je saigne ; tous les coeurs sont ingrats; je travaille,
La terre est plus ingrate encor ;
Mon maître prend l'épi, mon lit garde la paille ;
J'ai faim devant la gerbe d'or !
Voici l'âpre vieillesse, et je me sens décroître ;
Mes amours, mon coeur en lambeaux,
Gisent en moi ; mes jours sont les arches d'un cloître
Jetant leur ombre à des tombeaux.
Ma vie est un suaire et j'en suis le squelette.
Les ans, des maux accompagnés,
Me garrottent ; chaque heure est une bandelette
Sur mes ossements décharnés.
Suis-je une âme ? est-ce un Dieu qui m'attend ? Rien ne semble
L'explication à mes yeux ;
Et ce double inconnu, sous mon grabat qui tremble,
Croise ses X mystérieux.
Le blème horreur du gouffre effare mes prunelles :
Mon jour s'éteint, pâle et terni... --
Azur ! azur ! azur ! Dieu vivant ! j'ai des ailes !
Ô bleu profond de l'infini !
Victor Hugo - 26 juillet 1854