La France, c’est le pays des fromages et de l’homéopathie. Les laboratoires Boiron représentent la 116e fortune de France, son deuxième actionnaire, Pierre Fabre, la 17e fortune. Bizarrement, on a tendance à l’oublier, tant on a l’habitude d’opposer les lobbies et la puissance financière des laboratoires conformes à la médecine conventionnelle (j’allais écrire rationnelle) aux gentilles thérapies alternatives, incluant l’homéopathie et ses laboratoires.
Courant 2010, une Californienne a porté plainte contre les laboratoires Boiron et les revendeurs de leurs produits pour publicité mensongère, suite à l’inefficacité qu’elle avait constatée en se « soignant » avec de l’oscillococcinum. De fil en aiguille, une Class action (recours collectif) se constitua et Boiron accepta de verser les 12 millions de dollars demandés. Et pour cause : lors d’un procès, il lui aurait été difficile de prouver l’efficacité des produits homéopathiques quels qu’ils soient puisque tous les essais scientifiques en double aveugle ont abouti à la même conclusion : le taux de réussite de cette prétendue thérapie n’est pas plus élevé que le taux de réussite dû à l’effet placebo, effet existant indépendamment du produit testé.
Énormément de gens, en France, vivent de l’homéopathie. Si l’on cumule leur nombre (laboratoires homéopathiques, médecins, pharmaciens, publicitaires...) à celui des adeptes de cette pratique aussi irrationnelle qu’inefficace, on obtient un total (que je vous laisse calculer) expliquant aisément pourquoi la presse française n’a quasiment consacré aucun écho à cet accord qui constitue un précédent exceptionnel. Seules certaines pages boursières ont mentionné une baisse de 18% de l’action Boiron, suite à cet accord.
Les Américains seraient-ils bien moins cons que les Français ? Quoi de plus logique que de demander des preuves de l’efficacité d’un produit, d’autant qu’il se rapporte à la santé ? Et placer cette demande dans le registre du commerce et donc de la publicité mensongère relève certainement d’une simplicité trop évidente pour que les Français s’en emparent. Il est vrai que système des recours collectifs n’existe pas encore chez nous, ceci explique peut-être une partie de cela.
Ce précédent, c’était la porte ouverte à toutes les fenêtres et dans la foulée, en avril 2012, le CFI (Centre For Inquiry) d’Ottawa constitua aussi un « recours collectif » demandant 30 millions de dollars aux Laboratoires Boiron. La surenchère ne fait que commencer et on peut imaginer que Boiron ne pourra pas systématiquement éviter les procès en mettant la main à la poche, même si celle-ci est considérablement rembourrée.
L’oscillococcinum, c’est du sucre : de la saccharose ajoutée à du lactose. Mais un sucre hors de prix, puisqu’il est 160 000 fois plus cher que le petit parallélépipède que vous plongez tous les matins dans votre café ! À moins de penser qu’un produit, considéré sans preuve comme actif, dilué 200 fois ait des propriétés thérapeutiques, eu égard à une prétendue « mémoire de l’eau » censée conserver les prétendues propriétés dudit produit. Dans ces conditions, l’eau garderait la mémoire des poissons qu’elle a fatalement contenus un jour ou l’autre et en conséquence, il suffirait de l’ingurgiter pour savoir nager. Après tout, nous sommes dans le domaine de la pensée magique, qui par définition n’a pas de limites.
(Si l'eau a de la mémoire, alors l'homéopathie est pleine de merde ! L'homéopathie : supercherie et sucre.)
Michel Tournon
Des petits liens qui font plaisir
Concernant l’accord de 12 millions de dollars (en anglais)
Le même article traduit par un bloggeur
Concernant la demande canadienne de 30 millions de dollars (en anglais)
Forum évoquant le sujet (avec plusieurs liens intéressants mais en anglais)