Il y a une dizaine d’années, cela a commencé avec  « Solidaridad con Brian »,  courriel assurant que tous les fournisseurs d’accès donneraient un cent (de dollar) à chaque duplication de ce message, la somme obtenue permettant d’opérer du cœur  un petit garçon nommé Brian. Et bien sûr, ces messages ont fait plusieurs milliers de fois le tour de la Terre, comme quoi, faire une bonne action ne coûte pas cher.

C’était bien sûr un hoax, que l’on traduit généralement par canular. Je trouve le mot intox plus approprié. Ces hoax ont la vie dure et de nos jours, d’autres continuent de circuler allègrement : le virus en pièce jointe qui fait exploser le disque dur, le vaccin empoisonné concocté par l’OMS pour zigouiller une partie de l’humanité, la couleur rouge du costume du Père Noël qui serait due à Coca-Cola, etc.

L’ensemble de ces messages est hétéroclite, leur point de concours étant représenté par le décervelage des personnes qui les transfèrent d’un clic de rongeur. Mais pourquoi tant d’insouciance, de manque d’esprit critique, voire de connerie à l’état pur ?

Comme on le dit à la Poste, l’origine doit être multifactorielle. Si le courriel veut faire pleurer Margot (genre le palpitant détraqué de Brian sus-évoqué) ou donner dans le caritatif, voire l’humanitaire,  le forwardeur fou se donne bonne conscience pour pas cher, en se disant simultanément : « Si c’est pas vrai, bof, cela ne fait pas de mal », un peu comme l’usager quelque peu sceptique de granules homéopathiques.

On trouve aussi les convaincus (ils auront leur revanche) qui transfèrent les messages de « confirmation » en accord parfait avec leur conviction philosophique, politique, religieuse voire thérapeutique (cf le vaccin empoisonné contre la grippe aviaire).

Il doit aussi exister une variété de transféreur  voulant épater leurs proches en pensant être les premiers à diffuser une « information » d’autant plus croustillante que son contenu est extraordinaire.

Je pense toutefois que l’immense majorité de ceux qui diffusent de tels messages sans en évaluer la validité le font par paresse intellectuelle et parce qu’ils savent bien qu’ils ne risquent strictement rien, même si le message qu’ils transfèrent est un nanar avéré. Ils seraient néanmoins les premiers à glapir si, sur un site ou un blog, ils lisaient une information erronée, voire des mensonges éhontés.

Pour moi, ces messages relèvent tous de l’intox, même si les transféreurs n’en sont pas conscients. Il existe de nombreuses manières de vérifier la validité de tels courriels. Et si on n’arrive pas à vérifier l’authenticité de leur contenu, on moufte pas, on les balance à la poubelle… Si le contenu est avéré par la suite, le monde aura certainement  continué à tourner en l'absence du transfert de tels messages.

Outre la croyance, l’esprit critique a pour ennemi héréditaire la paresse intellectuelle, souvent encouragée par l’attrait de l’insolite et du merveilleux.

Michel Tournon