Ce sont les pauvres qui puent. J’étais fier d’avoir trouvé cette introduction à mon article, jusqu’au moment où je me suis connecté sur le site du Monde pour découvrir un article commençant par « L'argent n'a pas d'odeur, mais la pauvreté en a une, écrivait Paul Léautaud », suite à un fait divers survenu très récemment au Musée d’Orsay. Ce sagouin de Léautaud : il m’a piqué ma formule. Son antériorité m’exonère de porter plainte. Et puis, il vaut mieux faire référence à Léautaud qu’à Léotard.
Mais je m’égare d’Orsay : pour faire court, des vigiles du musée ont demandé à une petite famille (père, mère, garçon d’une dizaine d’années) de sortir compte-tenu de la puanteur qu’ils dégageaient. Il s’agissait en fait d’une famille « défavorisée » cornaquée par un jeune homme d’ATD Quart Monde. Raison invoquée : bon nombre de visiteurs s’étaient plaints des miasmes dégagés par le trio.
Bien évidemment, le politiquement correct indispensable à cet événement fut enclenché. D’abord, faire en sorte que les médias s’en emparent afin d’indigner la populace : c’est dégueulasse de virer des pauvres ; ce sont des incultes comme les autres et ils ont le droit de mater les femmes à poil sur les tableaux. Et bien sûr, ATD Quart Monde porte plainte pour « discrimination sociale » contre le Musée d’Orsay, invoquant des propos récents de la Ministre de la Culture destinés à favoriser la culture pour tous, y compris pour les boules puantes.
Je m’outre ! Comment se fait-il qu’une association charitable accorde plus d’importance au superflu qu’au nécessaire ? N’est-il pas infiniment plus important de rappeler aux « exclus » que la vie en société comporte des règles d’autant plus implicites que personne ne les conteste, la première d’entre elle étant la propreté, condition indispensable pour être « inclus » ?
Ce manque de discernement de la part d’ATD Quart Monde est aussi regrettable qu’inexplicable. Toutes ces associations ont la possibilité de fournir gratuitement des vêtements usagers mais propres et des produits d’hygiène corporelle aux nécessiteux ; je crois être suffisamment bien placé pour le savoir.
Lors, d’où vient cette confusion entre culture et bouillon de culture ? À aucun moment cette association n’a remis en cause cette visite intempestive : en validant une hiérachie des priorités plutôt douteuse, elle se discrédite puisqu’elle avoue son incapacité à donner une apparence socialement acceptable à ses bénéficiaires, nécessaire à leur insertion.
Faire pleurer Margot, c’est le fonds de commerce de plus en plus d’associations ou de communautés. Parier sur la mauvaise conscience du public qui manifestera sa compassion est un placement sûr, vu que la compassion est un produit gratuit qui n’engage à rien lorsqu’on l'exprime à titre personnel.
Pour faire mieux, je suggère de recommencer avec des parents homosexuels accompagnés par un enfant trisomique borgne issu d’une gestation pour autrui, le tout accompagné des miasmes de rigueur. Buzz compassionnel garanti, sinon je rembourse la différence.
Michel Tournon