Prévoir l’avenir n’est pas aisé, surtout lorsqu’il s’agit du futur (apophtegme d’origine indéterminée). Toutefois, certains événements sont prévisibles même si la date de leur apparition reste difficile à fixer. Le scandale du Mediator a mis en relief un autre scandale, celui du lobby des laboratoires pharmaceutiques qui, sous couvert de soins, nous gavent de molécules inoffensives dans le meilleur des cas, plus ou moins toxiques pour la santé dans les autres.
À un excès succède fréquemment l’excès inverse. C’est ainsi que, par réaction, certains des acteurs impliqués peu ou prou dans le scandale précité font grande publicité de changements voire de réformes radicales, destinés à éviter la répétition : plus jamais ça, comme comme on le clamait à la fin de l’année 1918.
Et pour montrer que les responsables n’ont pas les deux pieds dans la même babouche, l’AFSSAPS* vient de rendre public une liste** de plusieurs dizaines de médicaments. En introduction, on peut lire le texte ci-dessous :
Tous les médicaments disponibles sur le marché en France font l’objet d’une surveillance dans le cadre de la pharmacovigilance.
Figurent sur la liste ci-dessous des médicaments ou classes de médicaments faisant l’objet, à ce jour, d’un suivi renforcé ou d’une enquête de pharmacovigilance soit parceque les autorités sanitaires ont jugé nécessaire, à titre préventif, de renforcer ce suivi soit parce que des signaux de risque ont été détectés, justifiant une vigilance accrue.
Les motifs du renforcement de cette surveillance sont précisés dans le tableau ci-dessous ainsi que les actions en cours ou envisagées, résultant de cette surveillance.
Ces médicaments bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché : le bénéfice qu’ils apportent aux patients dans leurs indications thérapeutiques est donc jugé plus important que le risque lié à son utilisation car c’est le critère.
Tout cela semble empreint de bon sens et je me félicite de vivre dans un pays qui s’occupe à ce point de la santé de ses habitants. Personnellement, je trouve que la dernière information donnée portant sur la notion rapport bénéfice/risque est la plus importante ; un médicament n’est pas un produit anodin.
Cependant, dans ce tableau, le contenu de la colonne intitulée mesures de surveillance renforcée : motif du suivi est certainement le plus intéressant. Pour beaucoup, on signale un manque d’efficacité, ce qui est sans appel. Pour d’autres, la mauvaise valeur du coefficient bénéfice/risque est à l’origine de la méfiance. Cette raison semble également suffisante, même si le positionnement du curseur et donc de la décision qui en résultera peut être discutable.
Ce qui me semble étrange, c’est la mise sous surveillance de médicaments sous prétexte d’addiction possible, voire d’usage en quantité abusive à fin de suicide. Bien évidemment, ces médicaments sont ceux qui traitent la douleur, les troubles du sommeil, les troubles psys, les drogues de substitution… tout l’arsenal des remèdes qui engendrent un mieux être parce qu’on n’a plus mal, parce qu’on dort mieux, parce qu’on n’est plus angoissé, etc.
Et le comble, c’est que certains de ces médicaments vont être interdits pour cause d’harmonisation européenne, comme le Di-Antalvic (dextropropoxyphène) sous prétexte qu’on peut se suicider en décuplant la dose journalière maximum conseillée. Il faut dire que nos amis les Anglos Saxons et les Scandinaves se suicident parfois avec cette molécule (l’Aquavit, c’est trop dégueulasse à avaler), alors que nous, les Français, nous disposons pour ce faire d’un attirail de neuroleptiques, hypnotiques et autres calmants que le monde nous envie.
Je prends ce médicament depuis très longtemps et il me soulage de la pire des injures, celle que le temps exerce sur mon corps d’athlète. Tous les médecins en reconnaissent les vertus et de plus, il n’est pas cher (environ 5 euros la boîte de 20 gélules). Les produit de substitution existant (pour les douleurs sévères et légères) ne sont pas légion et provoquent des effets secondaires gênants.
En résumé, on supprime ce médicament pour le mauvais usage que l’on pourrait en faire. Dans ces conditions, pourquoi ne pas supprimer l’aspirine qui est en vente libre parce que son abus agit tel un emporte-pièce dans la boîte à ragoût ? Et je suis certain que le Vidal regorge de produits utilisables en grande quantité pour se suicider.
Mais pourquoi les désespérés ne se servent-ils pas uniquement de la pendaison, de la noyade ou du bon vieux révolver ? Penser que mes douleurs arthritiques vont être dues dorénavant à certains candidats au suicide me donne des envies de meurtre. On devrait pouvoir s'entendre...
Michel Tournon
* Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de santé (voir ce site).
** Consultable ici.