Si vous suivez plus ou moins régulièrement la rubrique Des Nouvelles de l’obscurantisme consacrée aux patamédecines, vous aurez surement constaté les différences fondamentales entre la démarche de leurs supporters et celle de la médecine.
Pour résumer sans trop me répéter, les neuneuropathes fondent leurs arguments sur l’anecdote (personnelle ou non), le témoignage, l’ancienneté des pratiques, le nombre des pratiquants, le tout arrosé d’un soupçon de mysticisme.
La médecine dite conventionnelle fonctionne par étude validée, recoupée, avec parution dans des revues scientifiques reconnues. Ce système permet en principe d’isoler le bon grain de l’ivraie, même si rien n’est vraiment jamais acquis et que tout peut être remis en question, pour peu que l’on en apporte la preuve.
C’est un milieu de flingueurs : celui qui ose publier une étude qu’il croit solide sera la cible des ses collègues qui feront rien qu’à tenter de bouziller ses travaux en décelant des résultats faussés par un protocole douteux ou des hypothèses de base qui ne tiennent pas la route. Cet univers impitoyable est salutaire car il préserve le patient potentiel que nous sommes tous de la charlatanerie et donc de l’obscurantisme.
Dans ce système, rien n’est figé, tout bouge en fonction des nouveaux moyens, de nouvelles études, de nouvelles idées, contrairement aux médecines dites parallèles, pour lesquelles plus c’est ancien, mieux cela vaut. Avez-vous déjà entendu parler d’une quelconque évolution des thérapies dites « naturelles », avec remise en cause de pratiques antérieures dont on a décidé qu’elles étaient néfastes ? Moi, jamais…
Nous nous retrouvons donc en présence de deux systèmes : l’un fondé sur la croyance, l’autre sur la compréhension, et donc la raison. Compte tenu des effets toxiques des thérapies farfelues, je ne dirais pas que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais que les « forces » en présence et leurs démarches sont définies.
En fait, pas vraiment, car les tenants des patamédecines affectionnent le mélange des genres tant ils ont besoin d’une reconnaissance universelle. Parfois, ils arrivent à trouver des études qui, de très loin, semblent satisfaire aux protocoles de la médecine conventionnelle. Remarquons au passage l’incohérence de leur démarche : quand des études démontrent l’absence de résultats avec leurs thérapies parallèles, ils les récusent ; dans le cas inverse, ils les acceptent… . Je crois qu’en matière de zététique on appelle bi-standard ce comportement : pour convenance personnelle évidente, celui qui doit montrer la preuve de ce qu’il avance change la règle du jeu en cours de démonstration. Notons également ce besoin constant de reconnaissance, comme si ces aficionados n’étaient pas du tout surs d’eux. Je ne comprends d’ailleurs pas ce besoin de rationnel, tant leur pratique repose sur des croyances philiophico religieuses qui sont indémontrables par nature.
Le problème c’est que leur choix se porte systématiquement sur des « études » en fonction des résultats qui vont fatalement dans le sens de leur croyance. Le sérieux, la validité des études leur importe peu, comportement qu’on ne peut leur reprocher puisqu’ils sont croyants.
Les exemples de ce type d'études sont nombreux, en particulier pour "démontrer" la toxicité de la médecine conventionnelle : le sida ne serait pas dû à un virus et ne serait donc pas contagieux, les vaccins rendraient malades au lieu de protéger de la maladie, les fours micro ondes seraient cancerigènes (voir l’article concernant le micro onde). Je ne crois pas à la théorie du complot mais la conjugaison d'Internet et des Copier/Coller réitérés permet à n’importe quelle information de se répandre sur la toile.
Cette propension à diffuser une information non validée a des effets toxiques auprès de personnes qui pensent que parce que ladite nouvelle est répétée à l’envi, elle est forcément vraie. On est aussi pile poil dans le registre du « canard insubmersible » : dans un deuxième temps, alors qu’il est aisé de vérifier l’information, elle sera malgré tout considérée comme valide. C’est le cas du prétendu effet Kirlian, évoqué précédemment et du Triangles des Bermudes. S’il fallait une preuve supplémentaire (et suffisante !) concernant ce Triangle, signalons simplement que les compagnies d’assurances maritimes ne majorent pas la police d’assurance des bateaux qui évoluent dans cette région.
En me promenant sur le Web un soir de solitude, j'ai appris que deux chercheurs ont fait une découverte en 1997, celle d'une enzyme nommée salvestrol qui par qui serait bénéfique contre le cancer.
Quand je serai grand, je serai un bon zététicien : je ne rejette donc pas a priori une information sous prétexte qu’elle ne me plaît pas, voire parce qu’elle est publiée sur un site dont la fiabilité est celle d’une planche vermoulue utilisée comme passerelle. Discerner l'intox de l'info est presque un travail à temps plein quand on cherche la validité des information diffusée sur le Net.
J’ai donc enclenché le starter de mon moteur de recherches préféré avant de mettre le contact. Et là, comme d’habitude, l’immense majorité des occurrences apparaissant dans les premières pages respire le Copier/Coller, à la virgule près. De fait, la référence commune est l’article d’une journaliste, Marie-Paule Nougaret, publié sur le site Amessi intitulé Des fruits biologiques contre le cancer ? datant de 2006.
Ça fait environ un demi -siècle que j’entends parler de remèdes miracles contre le cancer. Un jour, ce remède existera certainement. Toutefois, en attendant, si vous voulez que l’on parle de vous grâce à la formidable chambre d’écho potentielle que représente le Net, supportée par la mode New Age et de son cortège de régimes et autres thérapies farfelues, il est vivement conseillé d’associer trois ingrédients dans le titre de votre article :
- Un sujet universel : nous sommes tous concernés par le cancer, donc, la cible du lectorat est la plus grande possible ;
- Le rejet de la « science » (Hiroshima, Tchernobyl, les pesticides, etc.) a boosté l’irrationnel et la croyance divine en l’existence d’un monde qui serait pur et parfait si l’on n’utilisait que des produits « naturels » ;
- L’usage du point d’interrogation correspond à celui du conditionnel dans une proposition. Ce signe typographique a deux avantages. Il attire le client (Sheila, un homme ?) et il exonère l’auteur du titre de toute responsabilité si l’information n’est jamais validée : je n’ai jamais prétendu que Sheila était un homme, j’ai simplement posé la question. Rien que du bon, il suffit de lire le titre du présent article.
Certes, le procédé est vieux comme Théophraste Renaudot, mais il faut admettre qu’en matière de science et de santé, il est plutôt curieux d’utiliser les mêmes ficelles que la presse People voire que les services de propagande de sinistre mémoire.
En fait, l’accumulation de Copier/Coller se succédant via des sites non institutionnels, voire franchement militants (en particulier pour la culture bio) n’incite pas à positionner le curseur de la vraisemblance du côté de la validation, d’autant que la « découverte » remonte à une douzaine d’années et qu’a priori, aucune trace depuis.
Dans ces circonstances, deux conclusions possibles. À la façon ironique de Desproges : ce silence en dit long sur les pouvoirs du lobby pharmaceutique. À la façon d’une personne faisant appel à sa raison : on n’en parle plus parce que ça ne vaut pas vraiment la peine d’en parler, ce qui ne signifie pas que des études ultérieures accréditeront ces hypothèses.
Toutefois, sur le site Agriculture & environnement , on trouve une information différente, dont je me fais le plaisir de vous offrir ci-dessous un Copier/Coller tout chaud, à peine démoulé :
Le hic, dans ce conte de fées bio, c’est que contrairement aux affirmations de Marie-Paule Nougaret, le CYP1B1 n’a pas été découvert en 1997 mais en 1994. Deuxième point, ce n’est pas Burke, mais l’équipe du professeur Sutter qui l’a découvert. Enfin, le CYP1B1 n’est pas une « enzyme inconnue », mais une mono-oxygénase - une enzyme qui n’agit pas seulement dans les cellules cancéreuses, mais à de nombreuses étapes de notre métabolisme. Toutes ces informations de base se trouvent sur le site officiel du National Center for Biotechnology Information. Cela fait beaucoup d’erreurs pour un seul article, qui par ailleurs ne fournit pas la moindre référence bibliographique ! En outre, on ne trouve aucune publication scientifique dans les revues médicales du professeur Burke. Et aucune étude sur le fameux salvestrol ne figure parmi les millions de références scientifiques de Pubmed, la bible de la recherche médicale. L’explication est simple : le salvestrol n’est en effet qu’un label commercial déposé le 17 décembre 2004 par Nature’s Defence Investments Ltd (1).Et le « laboratoire » de M. Burke n’est rien d’autre qu’une société à but commerciale !
On appréciera le degré de sérieux des informations relayées par François Veillerette, la nouvelle référence de quelques journalistes parisiens...
Le site Agriculture & environnement n’est pas la Bible ; c’est une sorte de cabinet d’étude qui semble n’avoir rien à vendre. Et serait-ce la Bible, que je resterais sceptique, rien que pour embêter les antisceptiques… Néanmoins, une bonne partie de ces informations sont vérifiables, essentiellement en anglais, ce qui ne rend pas très aisées les recherches.
Le fait qu’aucune publication scientifique reconnue ne fasse mention de cette étude est une raison supplémentaire de se méfier. L’explication donnée en fin d’article à cet égard est édifiante : le salvestrol est un label commercial déposé par Nature’s Defence Investments Ltd, société à but lucratif créée par ce brave Monsieur Burke, suite au désintérêt manifesté par la Science concernant sa « découverte ». Cette affirmation est facile à vérifier, par exemple en se connectant sur le site Vitamin Houses, à partir duquel vous pouvez commander une boîte de 30 capsules de salvestrol pour la modique somme de 23,90 euros !
Ceci explique cela et Lycée de Versailles… Question philosophique : entre l'existence des charlatans et celledes gogos, quelle est la cause, quelle est la conséquence ?
Les affirmations concernant les bienfaits des salvestrols relèvent de récits anecdotiques, fatalement peu fiables. ces témoignages sont toujours fondés selon la même structure.
- l'auteur de l'anecdocte établit de façon non vérifiée (si je le dis, c'est que c'est vrai !) une relation de cause à effet entre son alimentation et sa prétendue bonne santé ;
- il déclare que comme c’est bon pour lui, c’est forcément bon pour les 6 milliards d’autres terriens.
- il est juge et partie
Ces "témoignages" sont un modèle d'obcurantisme !!
On n’a pas le cul sorti des ronces et cela ne rendra pas le Congo aux Belges.
Michel Tournon