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2 février 2008 6 02 /02 /février /2008 00:56
Article paru dans L'Os à moelle N°17 du vendredi 2 septembre 1938

Le Ministère de l'Hygiène nous communique le décret suivant, qui paraîtra un jour prochain, dans un journal officiel quelconque :
Attendu que depuis l'existence des cigarettes, chacun sait que leur partie restant inconsumée s'appelle un mégot.
Attendu que ce sont eux que l'on trouve partout, sur les tables, dans le potage, dans les cendriers.
Attendu que l'on est obligé de jeter les mégots :
1° pour ne pas se brûler les doigts ou les moustaches ;
2° et surtout par habitude.
Le Ministère de l'Hygiène décide de supprimer ce geste rituel par le procédé suivant :
Dans n'importe quel bureau de tabac, achetez un paquet de cigarettes. À l'aide d'un rasoir ou de tout autre instrument tranchant, coupez le paquet à la dimension à laquelle vous jetez habituellement vos mégots ; vos cigarettes seront débarrassées à ce moment-là de cette extrémité gênante et vous pourrez les fumer jusqu'au bout, sans crainte de vous brûler ou passer pour un fauché.
Le Ministre

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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 08:42

Édito de l'Os à moelle N°24 du vendredi 21 octobre 1938

Il n’y a pas de raison pour que
tout le monde ne soit pas comme les autres.
Coordonnons !

Par Pierre Dac

    Monsieur Anatole de Monzie vient de prendre les mesures nécessaires, courageuses et indispensables en vue d’envisager l’éventualité des possibilités qui pourraient, le cas échéant, sauf avis contraire, faciliter la coordination de la route et du rail.

    Ce n’est certes pas nous qui formulerons la moindre critique à ce sujet ; au contraire, nous applaudirons des deux mains à cette intelligente initiative que nous n’avons cessé de réclamer depuis toujours et même avant. Le pays ne se sauvera que par la coordination. Cependant, il ne faudrait pas s’imaginer que la seule application de la coordination à la route et au rail soit suffisante pour sortir de l’ornière le gouvernail des roues du char de l‘état.

    La coordination doit être généralisée et étendue à toutes les branches de l’activité nationale, car elle est aussi indispensable à notre salut que le chapeau.

    Tout en ne voulant diminuer en rien les indiscutables mérites de M. de Monzie en cette affaire, il est quand même bon de rappeler qu’il n’a fait que reprendre à son compte une vieille idée de plusieurs siècles et qui remonte si je ne m’abuse à la bataille de Bouvines ; vous souvenez-vous, chers lecteurs, des paroles qu’à la fin de cette journée l’illustre, Philippe Auguste prononça à l’intention de son adversaire Othon IV ? Non, sans doute ; moi non plus d’ailleurs, et c’est d’autant plus naturel que Philippe Auguste n’a rien dit du tout ; mais son silence qui en disait long était beaucoup plus éloquent que n’importe quel discours et il est hors de doute qu’à ce moment il n’était uniquement préoccupé que par la coordination.

    Pour en revenir à l’extension de la coordination, il est indispensable que, dans les plus brefs délais, tout soit coordonné ; que par exemple, le fabricant de gazomètres coordonne ses efforts conjointement au dessinateur sur côtes d’agneau ; c’est tout aussi important que le rail et la route et les résultats, pour n’être pas aussi immédiats n’en exercent pas moins une action suffisante sur le résultat final.

    Donc, coordonnons. La coordination doit devenir la lampe de chevet du leitmotiv de notre existence. Nous ne devons plus penser qu’à ça à toute heure du jour et de la nuit. D’ailleurs, dans coordination, n’y a-t-il pas le mot Nation ? Donc, qui dit coor dit Nation. Ça se passe de tout commentaire. Ou nous coordonnerons, ou nous disparaîtrons.

    Pour nous, qui sommes toujours à l’avant-garde de ce qui précède les choses suivantes, nous donnerons, selon notre millénaire habitude, l’exemple, la coordination n’ayant plus de secrets pour nous, nous l’appliquerons dans la mesure la plus large à tous nos actes, n’ayant d’autre souci de que l’intérêt général mis au service de nos intérêts particuliers.

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27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 00:15

L’Os à moelle N° 7-Vendredi 24 juin 1938

Variations en Si

par PierreDAC

 

Mieux que les plus purs alexandrins, mieux que les odes les plus lyriques, un simple mot, que dis-je, une simple conjonction conditionnelle, permet d'accéder aux plus hautes sphères de la poésie transcendantale sans le secours du moindre quatrain ni du moindre sonnet.

Cette clé précieuse, c'est Ie mot « si». Qu'est-ce que le mot « si» ? Un tout petit mot qui se dissimule timidement dans le maquis grammatical.

Et pourtant, quelle puissance ne représente-t-il pas! Avec le mot « si» on peut faire tout ce qu'on ne peut pas faire ; on peut réaliser 1'irréalisable et devenir ce qu'on ne pourra jamais être.

Qui de nous ne s'est souvent écrié:« Ah! si je pouvais accomplir ceci ! Ah! si je pouvais avoir cela!» En même temps qu'on formule son désir, celui-ci prend corps, devient vivant et 1'imagination aidant se concrétise et devient tangible. Et tout cela grâce a qui ? Au mot « si », tout simplement.                   ;

C'est pourquoi, fréquemment, je me mets a jongler avec des « si »; alors, je asse des heures extraordinaires dans le domaine de 1'inaccessible ou je me rends par la route enchanteresse que bordent les arbres fleuris de la quatrième dimension, et je me dis : Voyons, si j'étais une locomotive, je me nourrirais exclusivement de charbon, et comme le charbon est bon pour 1'estomac je n'aurais jamais de gastralgie; grâce a ce « si», je me vois en locomotive et, a ion gré, toujours par le truchement de ce « si » fantastique, je me transforme en manche de pioche ou en pèlerine écossaise.                 

D'autres fois, plus positif, j'emploie mes « si » à des fins plus objectives; je suppute ce que je ferais si je gagnais un ou plusieurs millions a la Loterie Nationale; ces « si » me font pénétrer dans des restaurants ou l'on mange le caviar avec une fourche et ou le café-filtre se déguste avec une lardoire.

Hier encore, je songeais, dans le silence de ma cave a réglisse, que si je pouvais transformer mes lunettes en chaussures de chasse, il me serait loisible de marcher sur les yeux; et, de si en si, j'en arrivais a devenir champion du monde de cross oculaire aux acclamations d'une foule mise hors d'elle-même par cet exploit sans précédent.

Je sais bien qu'on prétendra que je ne sais pas ce que je dis : c'est également mon avis et c'est aussi ce qui fait ma force ; mais on ne m'empêchera pas de rendre au mot «si»1'hommage qu'il mérite et de le remercier des espoirs qu'il nous donne en une époque ou le temporel a le pas sur le spirituel et ou la limonade gazeuse remplace au pied levé la force motrice des embryons moléculaires.

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25 janvier 2008 5 25 /01 /janvier /2008 08:08
Paru dans L'Os à moelle du vendredi 20 mai 1938

Michel Tournon
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23 janvier 2008 3 23 /01 /janvier /2008 09:40
    À Noël, j'ai reçu en cadeau un livre compilation des meilleurs numéros de L'Os à moelle. Rappel pour les ignorants et mous du bulbe : L'Os à moelle est un journal créé par Pierre Dac dont le premier numéro parut le vendredi 13 mai 1938 et le dernier  en juin 40. Pierre Dac (André Isaac) est un de mes maîtres : il introduisit en France la loufoquerie et l'humour absurde à une époque où l'Almanach Vermot représentait la fine fleur de l'humour français, alors qu'aux USA, les premiers cartoons de Tex Avery apparaissaient et que le film Hellzapoppin allait voir le jour.
    Donc, de manière aussi unilatérale qu'antidémocratique, j'ai décidé de publier régulièrement sur ce blog quelques articles issus de cette compilation :


    L'Os à moelle, à l'instar des journaux bien portants, comportait différentes rubriques. Bon nombre des articles concernait les faits politiques de cette époque agitée qui précédait quatre années d'horreur.
    Je me bornerai toutefois à publier les articles issus de rubriques "intemporelles" comme les petites annonces, les recettes de cuisine, la Causerie scientifique... Aujourd'hui, une recette de cuisine.

La sauce aux câpres sans câpres.

Vous prenez un litre d'eau ordinaire que vous faites soigneusement bouillir. Quand elle est bien bouillie, vous prenez un deuxième litre d'eau que vous faites tiédir au bain-marie.

Ceci fait, vous versez goutte à goutte un autre litre d'eau d'eau fraîche dans l'eau tiède pour faire une bonne liaison. Vous laissez légèrement épaissir sur le coin du feu.

Pendant ce temps, vous montez en neige un bon litre et demi d'eau, et vous incorporez cet appareil dans votre première préparation.

Si votre sauce est un peu ferme, vous l'allongez avec un peu d'eau légèrement dégourdie pour éviter que cela attache.

Vous enfournez à feu vif pendant quarante minutes. Vous démoulez, et pour clarifier, vous délayez le tout dans un litre d'eau.

Vous avez alors ce qu'on appelle la "concentré de sauce aux câpres" qui, étant donné sa force et sa concentration, ne peut être utilisé tel quel pour les besoins de la cuisine.

Si l'on veut s'en servir, il est indispensable de l'étendre avec de l'eau dans la proportion de gros comme une tête d'âne sur la pointe d'une épingle pour 10 litres d'eau.

Vous obtenez ainsi une sauce aux câpres très honorable et fort agréable au goût.

Les personnes qui digèrent mal et qui ont un estomac délicat, si cela ne passait pas, n'auraient qu'à boire un verre d'eau.

L'Os à moelle du vendredi 13 mai 1938. Rubrique Les recettes de Tante Abri

 
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