Le vocabulaire, ce sont des mots, des lettres et surtout du sens. Si le sens d’un mot n’est pas forcément unique, le contexte de son emploi est tout de même défini à moins d’user ou d’abuser des comparaisons et autres métaphores : la sève, c’est le sang des plantes, un crétin buté peut être autiste, un adjudant peut aboyer un ordre. Et comme les détectives privés, on peut filer la métaphore tout au long de son propos, des fois que le lecteur possède un QI à un seul chiffre.
Cependant, ce procédé a ses limites et son usage n’est pas destiné à créer un mélange des genres à l'instar du vocabulaire animalier dans lequel la confusion sémantique existe, indépendamment des figures de rhétorique évoquées précédemment : il s’agit des vocables qu’utilisent les amis des bêtes, vocables strictement réservés à l’espèce humaine, du moins si l’on peut se fier aux Roberts et à Julie Larousse.
Pour bien me faire comprendre, imaginons la vie d’un chiot ayant échappé au massacre :
On va commencer par l’éduquer. Il va faire l’amour - avec une chiotte ? - qui, après quelques mois de grossesse, va accoucher d’une fratrie constituant une petite famille. Deux des bébés seront adoptés par une famille d’accueil. Deux autres décèderont au bout de trois semaines.
Ces quatre phrases, composées d'exemples entendus de multiples fois à la radio ou la télé, voire lues dans les journaux ou sur le Net, contiennent dix mots utilisés à mauvais escient, puisque strictement réservés aux humains. Et pourtant, lesdits mots ont un équivalent « animal », hormis le mot « adoptés » qui requiert une périphrase. Il aurait fallu utiliser les mots dresser, s’accoupler, gestation, mettre bas, portée, etc. Et Le petit chat est mort, pas décédé…
On se doute bien que ces confusions, de plus en plus fréquentes, sont volontaires et pas fortuites, tant l’anthropocentrisme des « amis des bêtes » est le bras armé d’un militantisme forcené ; comme me l’a confié une de mes voisines récemment en parlant de son toutou (authentique) : mon chien est un être humain comme les autres.
Je trouve ce mélange des espèces malsain et dangereux. C’est vrai j’aime bien les animaux surtout morts et cuits dans mon assiette, sauf les huitres et le tartare. Et pour les vivants, en utilisant le vocabulaire qui leur est réservé, je respecte leur spécificité : pourquoi les affubler du vocabulaire réservé au plus grand prédateur de la planète ?
À chacun son vocabulaire et les bovidés lactifères seront bien gardés.
Michel Tournon