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2 février 2006 4 02 /02 /février /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

Voici la cinquième et dernière partie d'un long poème que Victor Hugo écrivit du 29 janvier au 2 février (1818) ; il avait alors 16 ans

(la première partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738055.html )

(la deuxième partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738198.html )

 

 

(la troisième partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738367.html)

(la quatrième partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1749498.html )

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OCEAN

VERS DE JEUNESSE

LA MORT DE LOUIS XVII


(suite et fin)

.........................................................................

" Toi, noble enfant, reviens vers les esprits célestes,
Viens boire en paix l'oubli de tes destins funestes
Au sein de tes aïeux ;
Accours, tu vas jouir des baisers d'une mère ;
Cette couronne, hélas ! que t'arracha la terre,
T'attend au haut des cieux."

Le prince alors quitta sa dépouille mortelle ;
Et les anges chantaient, sur la harpe éternelle,
Les maux qu'il a soufferts ;
Ils célébraient sa mort, plus douce que sa vie ;
Et la France sans rois, par le glaive asservie,
Gémissait su ses fers.

Ombres de nos héros, vous suivîtes Navarre ;
On vous vit avec lui fuir cette avare
Qui repoussa vos corps ;
Les tyrans détestaient le jour, qui vit leurs crimes,
Et redoutaient encor de trouver leurs victimes
Dans l'empire des morts.

Tel, pour jamais couché sur une mer de soufre,
Caïn semble lui-même, auteur des maux qu'il souffre,
Créer ses châtiments ;
Son flanc noir d'un vautour repaît la faim cruelle,
Et toujours renaissant, sa poitrine éternelle
Est féconde en tourments.


Victor Hugo - du 29 janvier au 2 février 1818

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1 février 2006 3 01 /02 /février /2006 06:33

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

Voici la quatrième partie d'un long poème que Victor Hugo écrivit du 29
janvier au 2 février (1818) ; il avait alors 16 ans

(la première partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738055.html )

(la deuxième partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738198.html )

(la troisième partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738367.html)

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OCEAN

VERS DE JEUNESSE

LA MORT DE LOUIS XVII


(suite)

.........................................................................

Son trône est un cercueil, sa tour est son Versailles ;
Pour lui, le bruit des fers, dont tremblent ces murailles,
Succède au son des luths :
Ses membres délicats sont meurtris par la pierre,
Il touche à son aurore, et les bras d'une mère
Ne le presseront plus !

Mais les verrous rouillés avec fracas se rouvrent,
Chargés d'or et d'opprobre, à ses yeux se découvrent
Les assassins des rois ;
Ils parlent : il se tait, et les écoute à peine ;
Ils menacent : mais sourd à leur menace vaine,
Il demeure sans voix.

Ils ont puni l'enfant des remords de leur crime.
Les lâches, ô forfait ! dans cette âme sublime
Ont versé leur remord ;
Mais son mépris pour eux dans son regard s'annonce,
Tremblez, tigres ! tremblez : son silence prononce
L'arrêt de votre mort.

Il n'est pas loin, ce jour où de sa main puissante,
L'Eternel, écrasant votre hygre rugissante,
Paraîtra dans les airs ;
L'astre de l'anarchie en vain vous guide encore ;
Dieu d'un souffle éteindra ce sanglant météore
Et ses rouges éclairs.
..........................................................................

(à suivre)

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31 janvier 2006 2 31 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

Voici la troisième partie d'un long poème que Victor Hugo écrivit du 29
janvier au 2 février (1818) ; il avait alors 16 ans

(la première partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738055.html )

(la deuxième partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738198.html )

OCEAN

VERS DE JEUNESSE

LA MORT DE LOUIS XVII


(suite)

.........................................................................

Parmi tant d'insensés s'il est un sage encore,
S'il existe un mortel que guide et que décore
L'éclat de la vertu ;
Peuples, obéissez à d'autres qu'à vous-mêmes,
Que le Juste paraisse, et des honneurs suprêmes
Qu'il marche revêtu.

Terre, dois à tes rois ton bonheur et ta gloire ;
Respecte leur puissance et chéris leur mémoire ;
Tes devoirs sont leurs droits :
Je veux que sur leurs fronts ma majesté rayonne,
O terre, et souviens-toi que Dieu qui les couronne
Peut seul frapper les rois. "

Il se tut : à sa voix tous les humains frémirent ;
Ils suivirent ces lois qu'en leurs coeurs affermirent
Cent siècles révolus ;
Si des peuples ingrats ont osé s'y soustraire
L'Eternel les marqua du doigt de sa colère ;
Ces peuples ne sont plus.

As-tu donc oublié ces funestes exemples,
France ? Des cris de mort font trembler de tes temples
Les portiques brûlants ;
Sur l'infâme échafaud le sang des rois ruisselle,
France ; et c'est dans tes flancs que ton glaive étincelle
Pour déchirer tes flancs.

Lassé de tant d'horreurs, lassé de nos souffrances,
Le Très-Haut envoya l'ange de ses vengeances
Vers nos tristes climats ;
L'ange apparut : ses mains de sang étaient trempées,
A ses pieds résonnait de chaînes et d'épées
Un formidable amas.

L'ange agita trois fois son armure terrible,
Alors, du haut des cieux, la trompette invisible
Lui répondit trois fois :
Dans Saint-Denis désert les profanes tremblèrent,
Et les marbres brisés à grand bruit s'ébranlèrent
Sur les restes des rois.

" Est-il un Dieu ? réponds, peuple aveugle et farouche,
Cria-t-il, l'entends-tu qui parle par ma bouche ?
Mon bras va le venger ;
Mortels, vous bravez Dieu qui dévore les âges,
Ah ! s'il n'existait pas, ses plus frêles ouvrages
Pourraient-ils l'outrager ?

O France, ses arrêts ont fui ta mémoire ;
Le meurtre d'un Louis a flétri ton histoire,
Ce siècle en est souillé :
Chaque jour la vertu sous ta hache succombe,
Et pâle, à des français recommandant sa tombe,
Henri s'est réveillé.

Mais sous ce vieux donjon, parmi ces vastes ombres,
Quel est ce bel enfant, fixant ses regards sombres
Sur d'horribles barreaux ?
Jeune, et déjà courbé sous le poids de la vie,
Il pleure un père, il pleure une mère ravie,
Qu'il demande aux bourreaux.

..........................................................................

(à suivre)

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30 janvier 2006 1 30 /01 /janvier /2006 20:48

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

Voici la deuxième partie d'un long poème que Victor Hugo écrivit du 29
janvier au 2 février (1818) ; il avait alors 16 ans

(la première partie se trouve là : http://sororimmonde.over-blog.com/article-1738055.html )

OCEAN

VERS DE JEUNESSE

LA MORT DE LOUIS XVII


(suite)

.........................................................................

Alors se réveilla le monarque des mondes ;
Sa face étincela, sous leurs voûtes profondes,
Comme un soleil ardent ;
L'Eternel va parler : le monde est dans l'attente.
Le vent retient son aile, et la foudre éclatante
Roule et meurt en grondant.

" Voulez-vous donc, mortels, vous qu'un souffle a fait naître,
Vous qu'un souffle à l'instant peut faire disparaître,
Provoquer mon courroux ?
Des fureurs de Caïn votre race est complice,
Oui, vous pouvez trembler : car l'oeil de ma Justice
A veillé parmi vous.

..........................................................................

(à suivre)

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29 janvier 2006 7 29 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

Voici la première partie d'un long poème que Victor Hugo écrivit du 29
janvier au 2 février (1818) ; il avait alors 16 ans :

+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.++.+.

OCEAN

VERS DE JEUNESSE

LA MORT DE LOUIS XVII


[Le monde apprit sa fin, la tombe sait le reste (Delille)]

Quel est-il donc, celui qui foule aux pieds la foudre ?
En niant son pouvoir, espères-tu t'absoudre,
Coupable humanité ?
Tremble : c'est par ses coups que le crime s'expie ;
Sa main, en traits de feu, dans l'âme de l'impie,
Grava l'Eternité.

Sans nous jamais son coeur n'eût connu la colère ;
Trop souvent toutefois sa bonté tutélaire
Pardonne à nos forfaits :
Trop souvent son courroux fait place à sa clémence,
Et quand l'homme l'outrage, il punit sa démence
Par des nouveaux bienfaits.

Le monde encor touchait aux jours de sa naissance,
Et les mortels déjà de la chaste Innocence
Avaient rompu les lois ;
Déjà fuyait loin d'eux la Pudeur sans asile,
Et l'homme abandonnait sa chaumière tranquille
Pour errer dans les bois.

A l'empire des sens il asservit son âme ;
Aux lueurs de l'Instinct tu vis pâlir ta flamme,
Sage et douce Raison ;
La Discorde accourut, et le Crime et le Vice
Dans ces coeurs déjà sourds aux cris de la Justice,
Soufflèrent leur poison.

.........................................................................

(à suivre)

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28 janvier 2006 6 28 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

LES CHÂTIMENTS

RELIQUAT

IV - EBAUCHES ET FRAGMENTS


O Veuillot, face immonde encor plus que sinistre !
Laid à faire avorter une ogresse vraiment,
Lorsque de toi l'on parle et qu'on t'appelle cuistre
Istre est un ornement


Victor Hugo - 28 janvier 1853

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27 janvier 2006 5 27 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

LA LEGENDE DES SIECLES

XIV - LE POËTE AU VER DE TERRE


Non, tu n'as pas tout, monstre ! et tu ne prends point l'âme.
Cette fleur n'a jamais subi ta bave infâme.
Tu peux détruire un monde et non souiller Caton.
Tu fais dire à Pyrrhon farouche : Que sait-on ?
Et c'est tout. Au-dessus de ton hideux carnage
Le prodigieux coeur du prophète surnage ;
Son char est fait d'éclairs, tu n'en mords pas l'essieu.
Tu te vantes. Tu n'es que l'envieux de Dieu.
Tu n'es que la fureur de l'impuissance noire.
L'envie est dans le fruit, le ver est dans la gloire.
Soit. Vivons et pensons, nous qui sommes l'Esprit.
Toi, rampe. Sois l'atome effrayant qui flétrit
Et qui ronge et qui fait que tout ment sur la terre,
Mets cette tromperie au fond du grand mystère,
Le néant, sois le nain qui croit être le roi,
Serpente dans la vie auguste, glisse-toi,
Pour la faire avorter, dans la promesse immense ;
Ton lâche effort finit où le réel commence,
Et le juste, le vrai, la vertu, la raison,
L'esprit pur, le coeur droit, bravent la trahison.
Tu n'es que le mangeur de l'abjecte matière.
La vie incorruptible est hors de la frontière ;
Les âmes vont s'aimer au-dessus de la mort ;
Tu n'y peux rien. Tu n'es que la haine qui mord.
Rien tâchant d'être Tout, c'est toi. Ta sombre sphère
C'est la négation, et tu n'es bon qu'à faire
Frissonner les penseurs qui sondent le ciel bleu
Indignés, puisqu'un ver s'ose égaler à Dieu,
Puisque l'ombre atteint l'astre, et puisqu'une loi vile
Sur l'Homère éternel met l'éternel Zoïle.


Victor Hugo - 27 janvier 1877

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26 janvier 2006 4 26 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

LA LEGENDE DES SIECLES

XXXVI - LE GROUPE DES IDYLLES

IX - VIRGILE


Déesses, ouvrez-moi l'hélicon maintenant.
O bergers,le hallier sauvage est surprenant ;
On y distingue au loin de confuses descentes
D'hommes ailés, mêlés à des nymphes dansantes ;
Des clartés en chantant passent, et je les suis.
Les bois me laissent faire et savent qui je suis.
O pasteurs, j'ai Mantoue et j'aurai Parthénope ;
Comme le taureau-dieu pressé du pied d'Europe,
Mon vers, tout parfumé de roses et de lys,
A l'empreinte du frais talon d'Amaryllis ;
Les filles aux yeux bleus courent dans mes églogues ;
Bacchus avec ses lynx, Diane avec ses dogues,
Errent, sans déranger une branche à travers
Mes poëmes, et Faune est dans mes antres verts.
Quel qu'il soit, et fût-il consul, fût-il édile,
Le passant ne pourra rencontrer mon idylle
Sans trouble, et, tout à coup, voyant devant ses pas
Une pomme rouler et fuir, ne saura pas
Si dans votre épaisseur sacrée elle est jetée,
Forêts, pour Atalante, ou bien par Galatée.
Mes vers seront si purs qu'après les avoir lus
Lycoris ne pourra que sourire à Gallus.
La forêt où je chante est charmante et superbe ;
Je veux qu'un divin songe y soit couché dans l'herbe,
Et que l'homme et la femme, ayant mon âme entre eux,
S'ils entrent dans l'églogue, en sortent amoureux.


Victor Hugo - 26 janvier 1877

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25 janvier 2006 3 25 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

 LES CHATIMENTS

LIVRE TROISIEME - L'ORDRE EST RETABLI

X - L'EMPEREUR S'AMUSE

CHANSON


Pour les bannis opiniâtres,
La France est loin, la tombe est près.
Prince, préside aux jeux folâtres,
Chasse aux femmes dans les théâtres,
Chasse aux chevreuils dans les forêts ;
Rome te brûle le cinname,
Les rois te disent : mon cousin.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

Les plus frappés sont les plus dignes.
Ou l'exil ! ou l'Afrique en feu !
Prince, Compiègne est plein de cygnes,
Cours dans les bois, cours dans les vignes,
Vénus rayonne au plafond bleu ;
La bacchante aux bras nus se pâme
Sous sa couronne de raisin.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

Les forçats bâtissent le phare,
Traînant leurs fers au bord des flots !
Hallali ! Hallali ! fanfare !
Le cor sonne, le bois s'effare,
La lune argente les bouleaux ;
À l'eau les chiens ! le cerf qui brame
Se perd dans l'ombre du bassin.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

Le père est au bagne à Cayenne
Et les enfants meurent de faim.
Le loup verse à boire à l'hyène ;
L'homme à la mitre citoyenne
Trinque en son ciboire d'or fin ;
On voit luire les yeux de flamme
Des faunes dans l'antre voisin.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

Les morts, au boulevard Montmartre,
Rôdent, montrant leur plaie au coeur.
Pâtés de Strasbourg et de Chartres,
Sous la table au tapis de martre,
Les belles boivent au vainqueur :
Et leur sourire offre leur âme,
Et leur corset offre leur sein.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

Captifs, expirez dans les fièvres.
Vous allez donc vous reposer !
Dans le vieux saxe et le vieux sèvres
On soupe, on mange, et sur les lèvres
Eclôt le doux oiseau baiser ;
Et, tout en riant, chaque femme
En laisse fuir un fol essaim.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame,
Et demain le tocsin !

La Guyane, cachot fournaise,
Tue aujourd'hui comme jadis.
Couche-toi, joyeux et plein d'aise,
Au lit où coucha Louis Seize,
Puis l'empereur, puis Charles dix ;
Endors-toi, pendant qu'on t'acclame,
La tête sur leur traversin.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame.
Et demain le tocsin !

Ô deuil ! par un bandit féroce
L'avenir est mort poignardé !
C'est aujourd'hui la grande noce,
Le fiancé monte en carrosse ;
C'est lui ! César le bien gardé !
Peuples, chantez l'épithalame !
La France épouse l'assassin.
Sonne aujourd'hui le glas, bourdon de Notre-Dame.
Et demain le tocsin !


Victor Hugo - 25 janvier 1853

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24 janvier 2006 2 24 /01 /janvier /2006 00:00

Victor Hugo datait souvent ses poèmes. Il en a écrit tellement qu'on en trouve à toutes les dates de l'année :

LA LEGENDE DES SIECLES

XXXIV - TENEBRES

- III -


L'homme se trompe ! Il voit que pour lui tout est sombre ;
Il tremble et doute ; il croit à la haine de l'ombre ;
Son oeil ne s'ouvre qu'à demi.
Il dit : " Ne suis-je pas le damné de la terre,
Lugubre atome, ayant l'immensité pour guerre
Et l'univers pour ennemi ? "

S'il regarde la vie, elle est aussi le gouffre.
Toute l'histoire pleure et saigne et crie et souffre ;
Tous les purs flambeaux sont éteints ;
Morus après Caton dans le cirque se couche ;
Le genre humain assiste au pugilat farouche
Des grands coeurs et des noirs destins.

L'énigme universelle est proposée à l'âme,
L'âme cherche ; la terre et l'eau, l'air et la flamme
Font le mal, triste vision !
Le vent, la mer, la nuit sont pris en forfaiture ;
Hélas ! que comprend-on ? Peu de la créature,
Et rien de la création.

Les faits, qui sont muets et qui semblent funèbres,
Surgissent au regard comme un bloc de ténèbres,
Et rien n'éclaire et rien ne luit ;
L'horizon est de l'ombre où l'ombre se prolonge,
Où se dresse, devant l'humanité qui songe,
Toute une montagne de nuit.

Le sombre sphinx Nature, accroupi sur la cime,
Rêve, pétrifiant de son regard d'abîme
Le mage aux essors inouïs.
Tout le groupe pensif des blèmes Zoroastres,
Les gueutteurs de soleils et les espions des astres,
Les effarés, les éblouis,

Il semble à tout ce tas d'Oedipes qui frissonne
Que l'ouragan, clairon de nuage qui sonne,
La comète, horreur du voyant,
L'hiver, la mort, l'éclair, l'onde affreuse et vivante,
Tout ce que le mystère et l'ombre ont d'épouvante,
Sorte de cet oeil effrayant !

La nuit autour du sphinx roule tumultueuse.
Si l'on pouvait lever la patte monstrueuse
Que contemplèrent tour à tour
Newton, l'esprit d'hier, et l'antique Mercure,
Sous la paume sinistre et sous la griffe
Ont trouverait ce mot : Amour.

Victor Hugo - 24 janvier 1855

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