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4 mars 2006 6 04 /03 /mars /2006 00:00

Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 4 mars :

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LES CHÂTIMENTS

RELIQUAT

II - NOUVEAUX CHÂTIMENTS


Même pour le proscrit, avril veut bien renaître,
Tandis que les oiseaux, chantant leurs joyeux chants,
Les fleurs et le soleil jouaient sous ma fenêtre
Ensemble dans les champs ;

Tandis que, remplissant d'amour la créature,
L'espace de rayons, de parfums le ravin,
Le beau printemps faisait de toute la nature
Un sourire divin ;

Tandis que tout riait, filles à la fontaine,
Chevriers sur la route, et qu'au ciel l'aquilon
Courait après la nue et l'enfant dans la plaine
Après le papillon,

Je songeais. - Je pensais, grave et presque en prière,
A ces hommes que Dieu fit pareils au matin,
Et qui vinrent, ayant sur le front de lumière
De l'avenir lointain.

Ils s'appellent progrès, la foule les renie.
Ils saignent, sur la claie à la gloire traînés ;
Ils étaient la raison, la vertu, le génie,
Ils sont les condamnés.

Leur crime c'est d'avoir, du haut de la montagne,
Fait lire au genre humain le céleste alphabet ;
A celui-ci l'exil, à celui-là le bagne,
A cet autre un gibet ;

Au sage la ciguë, au vrai la croix immonde ;
L'un monte sur la cime et se jette au volcan ;
L'autre expire au bûcher ; cet autre donne au monde
Et reçoit un carcan.

Et comme enseveli sous des ombres funèbres,
Je n'apercevais plus ce gai soleil d'été ;
Rêveur, j'avais les yeux ouverts dans les ténèbres
De notre humanité ;

Et dans cette âpre nuit, si noire et si voilée,
Je regardais passer, montrant du doigt les cieux,
Avec leur auréole aus épines mêlée,
Ces Christs mystérieux.


Victor Hugo - 4 mars 1853, Jersey

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3 mars 2006 5 03 /03 /mars /2006 20:44

Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 3 mars :

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LES CONTEMPLATIONS

LIVRE CINQUIEME - EN MARCHE

XI - PONTO


Je dis à mon chien noir : - Viens, Ponto, viens-nous-en ! -
Et je vais dans les bois, mis comme un paysan ;
Je vais dans les grands bois, lisant dans les vieux livres.
L'hiver, quand la ramée est un écrin de givres,
Ou l'été, quand tout rit, même l'aurore en pleurs,
Quand toute l'herbe n'est qu'un triomphe de fleurs,
Je prends Froissart, Montluc, Tacite, quelque histoire,
Et je marche, effaré des crimes de la gloire.
Hélas ! l'horreur partout, même chez les meilleurs !
Toujours l'homme en sa nuit trahi par ses veilleurs !
Toutes les grandes mains, hélas ! de sang rougies !
Alexandre ivre et fou, César perdu d'orgies,
Et, le poing sur Didier, le pied sur Witikind,
Charlemagne souvent semblable à Charles-Quint ;
Caton de chair humaine engraissant la murène ;
Titus crucifiant Jérusalem ; Turenne,
Héros, comme Bayard et comme Catinat,
A Nordlingue, bandit dans le Palatinat ;
Le duel de Jarnac, le duel de Carrouge ;
Louis neuf tenaillant les langues d'un fer rouge ;
Cromwell trompant Milton, Calvin brûlant Servet.
Que de spectres, ô gloire ! autour de ton chevet !
O triste humanité, je fuis dans la nature !
Et, pendant que je dis : - Tout est leurre, imposture,
Mensonge, iniquité, mal de splendeur vêtu ! -
Mon chien Ponto me suit. Le chien, c'est la vertu
Qui, ne pouvant se faire homme, s'est faite bête.
Et Ponto me regarde avec son oeil honnête.


Victor Hugo - Marine-Terrace, 3 mars 1855

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2 mars 2006 4 02 /03 /mars /2006 18:48

Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 2 mars (sans mention de l'année) :

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TOUTE LA LYRE

LES SEPT CORDES - VI

LVII - AU BAL


Elle se rapprochait, car il parlait tout bas.
Il lui disait : - On a, dans ces bruyants ébats,
Une liberté plus entière.
C'est la foule, on est seul en ces salons dorés.
Le bal joyeux nous cache aux regards effarés
Dans un tourbillon de lumière.

Les quadrilles ardents, follement entraînés,
Bondissent. Nous rêvons, l'un sur l'autre inclinés,
Un rêve peut-être impossible.
Sans voir ces fleurs, sans voir ces fronts épanouis,
Nous passons dans ce bal rayonnant, éblouis
Par une autre fête invisible.

Ils sont aux voluptés, nous sommes à l'amour.
Nos coeurs émus sont pleins d'un mystérieux jour ;
Un feu passager les embrase.
Ce que nous contemplons, ils ne peuvent le voir.
Notre âme est un obscur et céleste miroir.
Ils ont l'ivresse et nous l'extase.

Tandis que dans leurs yeux le plaisir brûle et luit,
Nous voudrions, troublés par la joie et le bruit,
Nous enfuir sous de chastes voiles.
La foule rit, notre âme est plus ravie encor.
Pour eux, à ces plafonds, brillent des lustres d'or,
Et pour nous, plus haut, les étoiles !


Victor Hugo - 2 mars

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1 mars 2006 3 01 /03 /mars /2006 08:57

Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 1er mars :

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TOUTE LA LYRE

LES SEPT CORDES - I -

XXXVIII - ECRIT AU BAS D'UN PORTRAIT
DE MADAME LA DUCHESSE D'ORLEANS


Quand cette noble femme eut touché la frontière,
Proscrite et fugitive, hélas ! mais reine encor,
Emportant son grand coeur, sa tristesse humble et fière,
Et ses enfants, tout son trésor,

A ce port de l'exil la voyant arrivée,
Après tant de périls dans ces sombres chemins,
Ceux qui l'accompagnaient disaient : Elle est sauvée !
Et pleuraient en joignant les mains.

Vers ces derniers amis que le malheur envoie,
Elle inclina son front et s'écria : Seigneur !
Me voici hors de France ! ils en pleurent de joie,
Et moi, j'en pleure de douleur !


Victor Hugo - 1er mars 1848

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28 février 2006 2 28 /02 /février /2006 12:36

Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 28 février :

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LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT

III - LE LIVRE LYRIQUE

LE DESTINEE

XIX - SUR LA FALAISE

- I -


Tu souris dans l'invisible.
Ô douce âme inaccessible,
Seul, morne, amer,
Je sens ta robe qui flotte
Tandis qu'à mes pieds sanglote
La sombre mer.

La nuit à mes chants assiste.
Je chante mon refrain triste
A l'horizon.
Ange frissonnant, tu mêles
Le battement de tes ailes
A ma chanson.

Je songe à ces pauvres êtres,
Nés sous tous ces toits champêtres,
Dont le feu luit,
Barbe grise, tête blonde,
Qu'emporta cette eau profonde
Dans l'âpre nuit.

Je pleure les morts des autres.
Hélas ! leurs deuils et les nôtres
Ne sont qu'un deuil.
Nous sommes, dans l'étendue,
La même barque perdue
Au même écueil.

- II -

Tous ces patrons, tous ces mousses,
Qu'appelaient tant de voies douces
Et tant de voeux,
Ils sont mêlés à l'espace,
Et le poisson d'argent passe
Dans leurs cheveux.

Au fond des vagues sans nombre,
On voit, sous l'épaisseur sombre
Du flot bruni,
Leur bouche ouverte et terrible
Qui boit la stupeur horrible
De l'infini.

Ils errent, blèmes fantômes.
Ils ne verront plus les chaumes
Au pignon noir,
Les bois aux fraîches ramées,
Les prés, les fleurs, les fumées
Dans l'or du soir.

Dans leurs yeux l'onde insensée,
Qui fuit sans cesse, poussée
Du vent hagard,
Remplace, sombre passante,
La terre, à jamais absente
De leur regard.

Ils sont l'ombre et le cadavre ;
Ceux qui vont de havre en havre
Dans les reflux,
Qui ne verront plus l'aurore,
Et que l'aube au chant sonore
Ne verra plus.

- III -

Et cependant sur les côtes
On songe encore à ces hôtes
De l'inconnu,
Partis, dans l'eau qui frissonne,
Pour cette ombre dont personne
N'est revenu.

C'était l'enfant ! c'était l'homme !
On les appelle, on les nomme
Dans les maisons,
Le soir, quand brille le phare,
Et quand la flamme s'effare
Sur les tisons.

L'un dit : - En août, j'espère,
Ils reviendront tous, Jean, Pierre,
Jacques, Louis ;
Quand la vigne sera mûre; ... -
Et le vent des nuits murmure :
Evanouis !

L'autre dit : - Dans les tempêtes
Regardez bien, et leurs têtes
Apparaîtront.
On les voit quand le soir tombe.
Toute vague est une tombe
D'où sort un front.

- IV -

C'est dans cette onde effrenée
Que leur âme au ciel est née,
Divin oiseau.
Toute vague est un tombeau ;
Toute vague, ô ma colombe,
Est un berceau.


Victor Hugo - 28 février 1854

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27 février 2006 1 27 /02 /février /2006 12:55

 

 

Voici le début d'un poème que Victor Hugo a écrit en deux parties :
- la première partie (celle-ci) a été écrite un 27 février (sans mention del'année) ;
- la seconde partie a été écrite un 6 mars (rendez-vous dans quelques jours!) :

+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.


LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT

I - LE LIVRE SATIRIQUE

LE SIECLE

XXIV - ECRIT APRES LA VISITE D'UN BAGNE

- I -


Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.

Dieu, le premier auteur de tout ce qu'on écrit,
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Plâner là-haut où l'âme en liberté se meut.
L'école est sanctuaire autant que la chapelle.
L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le coeur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.
La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.
Faute d'enseignement, on jette dans l'état
Des hommes animaux, têtes inachevées,
Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,
Aveugles effrayants, au regard sépulcral,
Qui marchent à tâtons, dans le monde moral.
Allumons les esprits c'est notre loi première,
Et du suif le plus vil faisons une lumière.
L'intelligence veut être ouverte ici-bas ;
Le germe a droit d'éclore ; et qui ne pense pas
Ne vit pas. Ces voleurs avaient le droit de vivre.
Songeons-y bien, l'école en or change le cuivre,
Tandis que l'ignorance en plomb transforme l'or.

Je dis que ces voleurs possédaient un trésor,
Leur pensée immortelle, auguste et nécessaire ;
Je dis qu'ils ont le droit, du fond de leur misère,
De se tourner vers vous, à qui le jour sourit,
Et de vous demander compte de leur esprit ;
Je dis qu'ils étaient l'homme et qu'on en fit la brute ;
Je dis que je nous blâme et que je plains leur chute ;
Je dis que ce sont eux qui sont les dépouillés ;
Je dis que les forfaits dont ils se sont souillés
Ont pour point de départ ce qui n'est pas leur faute ;
Pouvaient-ils s'éclairer du flambeau qu'on leur ôte ?
Ils sont les malheureux et non les ennemis
Le premier crime fut sur eux-mêmes commis ;
On a de la pensée éteint en eux la flamme ;
Et la société leur a volé leur âme.


Victor Hugo - 27 février - Jersey

-.-.-

Un autre poème ?

 

 

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26 février 2006 7 26 /02 /février /2006 19:22

Voici un poème que Victor Hugo écrivit le 26 février 1837 ( jour de son 35ème anniversaire ) :

+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.

LES VOIX INTERIEURES

IX - PENDANT QUE LA FENETRE ETAIT OUVERTE


Poëte, ta fenêtre était ouverte au vent,
Quand celle à qui tout bas ton coeur parle souvent
Sur ton fauteuil posait sa tête :
" Oh ! disait-elle, ami, ne vous y fiez pas !
Parce que maintenant, attachée à vos pas,
Ma vie à votre ombre s'arrête ;

" Parce que mon regard est fixé sur vos yeux ;
Parce que je n'ai plus de sourire joyeux
Que pour votre grave sourire ;
Parce que, de l'amour me faisant un linceul,
Je vous offre mon coeur comme un livre où vous seul
Avez encor le droit d'écrire ;

" Il n'est pas dit qu'enfin je n'aurai pas un jour
La curiosité de troubler votre amour
Et d'alarmer votre oeil sévère,
Et l'inquiet caprice et le désir moqueur
De renverser soudain la paix de votre coeur
Comme un enfant renverse un verre !

" Hommes, vous voulez tous qu'une femme ait longtemps
Des fiertés, des hauteurs, puis vous êtes contents,
Dans votre orgueil que rien ne brise,
Quand, aux feux de l'amour qui rayonne sur nous,
Pareille à ces fruits verts que le soleil fait doux,
La hautaine devient soumise !

" Aimez-moi d'être ainsi ! - Ces hommes, ô mon roi,
Que vous voyez passer si froids autour de moi,
Empressés près des autres femmes,
Je n'y veux pas songer, car le repos vous plaît ;
Mais mon oeil endormi ferait, s'il le voulait,
De tous ces fronts jaillir des flammes ! "

Elle parlait, charmante et fière et tendre encor,
Laissant sur le dossier de velours à clous d'or
Déborder sa manche traînante ;
Et toi tu croyais voir à ce beau front si doux
Sourire ton vieux livre ouvert sur tes genoux,
Ton Iliade rayonnante !

Beau livre que souvent vous lisez tous les deux !
Elle aime comme toi ces combats hasardeux
Où la guerre agite ses ailes.
Femme, elle ne hait pas, en t'y voyant rêver,
Le poëte qui chante Hélène, et fait lever
Les plus vieux devant les plus belles.

Elle vient là, du haut de ses jeunes amours,
Regarder quelquefois dans le flot des vieux jours
Quelle ombre y fait cette chimère ;
Car, ainsi que d'un mont tombent de vives eaux,
Le passé murmurant sort et coule à ruisseaux
De ton flanc, ô géant Homère !


Victor Hugo - 26 février 1837

- - -
Choisir une autre date : cliquer ici

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25 février 2006 6 25 /02 /février /2006 20:47

Voici un poème que Victor Hugo à ecrit un 25 février :

+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+

LES VOIX INTERIEURES

- XXVI -


Jeune fille, l'amour, c'est d'abord un miroir
Où la femme coquette et belle aime à se voir,
Et, gaie ou rêveuse, se penche ;
Puis, comme la vertu, quand il a votre coeur,
Il en chasse le mal et le vice moqueur,
Et vous fait l'âme pure et blanche ;

Puis on descend un peu, le pied vous glisse... - Alors
C'est un abîme ! en vain la main s'attache aux bords,
On s'en va dans l'eau qui tournoie ! -
L'amour est charmant, pur, et mortel. N'y crois pas !
Tel l'enfant, par un fleuve attiré pas à pas,
S'y mire, s'y lave et s'y noie.


25 février 1837

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24 février 2006 5 24 /02 /février /2006 00:12

Voici un poème que Victor Hugo écrivit un 24 février :

+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+

LES CHÂTIMENTS

RELIQUAT

II - NOUVEAUX CHÂTIMENTS


Ceux-ci sont maréchaux et ceux-là sont ministres.
La foule s'extasie à ses splendeurs sinistres.
Puisqu'ils ont tant d'argent c'est qu'ils avaient raison.
Magnan vient d'acheter une belle maison ;
Morny, certe, a sauvé l'ordre en France, et la preuve
C'est qu'il donne à Manon une voiture neuve ;
S'ils n'étaient dans le juste et le vrai, ce Rouher,
Ce Troplong, auraient-ils des hôtels, payés cher,
Et de beaux parcs plantés de tilleuls et d'érables ?
Ces hommes sont grands, purs, vertueux, admirables,
Puisqu'on baise à genoux, la trace de leurs pas,
Et puisqu'ils sont dorés, ils sont propres.
                                                                     Non pas.
Ah ! l'on a beau sarcler le mépris, il repousse.
Avez-vous quelquefois, en le pressant du pouce,
Fait jaillir le noyau d'une cerise ? Eh bien,
Je prends tous ces vainqueurs et, fourbe, escroc, vaurien,
Sophiste, assassin, gueux, banqueroutier, faussaire,
Bandit, voilà les mots qui sortent quand je serre,
O Juvénal, ô maître, ô juge souverain,
Leurs misérables noms entre mes doigts d'airain !


Victor Hugo - 24 février 1870

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23 février 2006 4 23 /02 /février /2006 17:19

Voici un poème que Victor Hugo a écrit un 23 février (sans mention d'année) :

+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.+.

LES CHÂTIMENTS

LIVRE SIXIEME

LA STABILITE EST ASSUREE

IX - AU PEUPLE


Il te ressemble ; il est terrible et pacifique.
Il est sous l'infini le niveau magnifique ;
Il a le mouvement, il a l'immensité.
Apaisé d'un rayon et d'un souffle agité,
Tantôt c'est l'harmonie et tantôt le cri rauque.
Les monstres sont à l'aise en sa profondeur glauque ;
La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus
D'où ceux qui l'ont bravé ne sont pas revenus ;
Sur son énormité le colosse chavire ;
Comme toi le despote il brise le navire ;
Le fanal est sur lui comme l'esprit sur toi ;
Il foudroie, il caresse, et Dieu seul sait pourquoi ;
Sa vague, où l'on entend comme des chocs d'armures,
Emplit la sombre nuit de monstrueux murmures,
Et l'on sent que ce flot, comme toi, gouffre humain,
Ayant rugi ce soir, dévorerea demain.
Son onde est une lame aussi bien que le glaive ;
Il chante un hymne immense à Vénus qui se lève ;
Sa rondeur formidable, azur universel,
Accepte en son miroir tous les astres du ciel ;
Il a la force rude et la grâce superbe ;
Il déracine un roc, il épargne un brin d'herbe ;
Il jette comme toi l'écume aux fiers sommets,
Ô peuple ; seulement, lui, ne trompe jamais
Quand l'oeil fixe, et debout sur sa grève sacrée,
Et pensif, on attend leurre de sa marée.


Victor Hugo - 23 février, Jersey

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