Vous avez dit Bigard ?
Mais revenons à notre bigarade. Lorsque j’eus connaissance de ces divagations, malheureusement déjà bien répandues, je ne pus m’empêcher de les mettre en parallèle avec les médecines du même nom. On se fonde sur des concepts qui n’existent pas (toxémie, vitalité), on répète à l’envi des phrases dénuées de tout fondement (la médecine officielle ne soigne que les symptômes, elle a atteint ses limites), on remet en cause certaines découvertes et pratiques, toujours sans argument ni preuve (le Sida n’est pas une maladie virale, la vaccination rend malade…). Et là, je me pose la question : comment doit-on réagir face à cette montée inexorable de l’irrationnel, qui attire les foules préfèrant la voie facile de la croyance au cheminement logique de la raison ? Personnellement, je me sens totalement démuni devant l’ampleur de la tâche. Et surnommer Bigard l"Empereur de la tache" ne fait pas avancer le schmilblick.
Il fut un temps, lorsque le neuneu du village divaguait avec ses coreligionnaires de troquet autour d’une chopine, ce qu’il disait ne sortait pas du cercle restreint de ces propriétaires de neurones fortement alcoolisés. Les tenants de théories aussi vaseuses qu’ésotériques publiaient éventuellement leurs délires dans des revues ou des livres à très faible tirage. Le paranormal avait la place qu’il méritait, compte tenu du sérieux de cette « discipline » et le mystère des tables tournantes permettait d’animer les soirées de week-end morose.
De nos jours, les choses ont évolué. Les facilités de communications permises par l’Internet, la télé ou la radio ont perverti la qualité de l’information car n’importe qui peut publier n’importe quoi, n’importe qui peut relayer en la diffusant une information non vérifiée grâce notamment aux mails. L’immense majorité des sites et des blogs concernant les patamédecines, le paranormal et autres pratiques occultes oeuvrent pour leur développement. Leur prosélytisme est facilité par le support (Internet) et aussi par une demande croissante de personnes dont la démarche irrationnelle était habituellement réservée à la sphère religieuse. Préférer la pensée magique et le merveilleux à la logique en matière de connaissance scientifique ou médicale est dangereux, car c’est l’exemple type de la démarche obscurantiste. Nous nous éloignons inexorablement du Siècle des Lumières : c’est certainement la raison de cette pénombre. Cette économie d’énergie se fait toutefois au détriment de la raison.
Et si plus on avance, plus on recule,
Comment voulez-vous que l’on s’en sorte ?
Michel Tournon