Depuis quelques mois, Stéphane Guillon est devenu une vedette, un people de plus en plus présent sur les plateaux télé où il dispense son opinion politique critiquant vivement le pouvoir en place : paradoxalement, la rebellitude des gens du spectacle est toujours d'un conformisme confondant.
Guillon a commencé à être connu comme chroniqueur dans l’émission quotidienne 20 h 10 pétantes animée par Stéphane Bern, sur Canal Plus. Il y épinglait de manière féroce les invités, essentiellement issus du showbizz : dans le deuxième recueil de ses chroniques *, on compte deux ou trois politiques pour environ 90 invités, essentiellement issus du monde du spectacle.
J’ai vu, entendu et lu pas mal de ces chroniques : leur caractéristique commune, c’est que Guillon ose dire des choses aussi gonflées que gênantes pour la personne ciblée, piochant sa matière première dans la carrière, les interviews ou les écrits des invités. Au final, si l’on réfléchit un peu, on s’aperçoit que le succès de Guillon était plus dû à une transgression des règles de bienséance qu’à la qualité de son humour. D’aucuns évoquent l’impertinence ou l’insolence ; certes, ces composantes font parfois partie du registre humoristique, mais outre qu’elles n’autorisent pas tout, leur usage requiert un minimum de talent : l’objectif principal est de faire sourire, voire rire, il ne faut pas l’oublier.
Quand les propos blessent profondément l’intéressé, ce n’est pas de l’impertinence ou de l’insolence même si la transgression nous fait parfois rire, du moins lorsque l’on n’est pas la cible... Ce contexte théorique d’humour, protège l’humoriste contre les plaintes pour diffamation. Celles-ci seraient vaines, compte-tenu du contexte satirique de la chronique. C’est à ce titre que, la plupart du temps, les tribunaux ne condamnent pas un journal comme Charlie Hebdo, maintes fois traîné en justice.
On arrive donc à une curieuse situation : un même propos peut-être condamné selon qu’il se situe dans le registre humoristique ou non. Autrement dit, il faut posséder sa carte d’humoriste officiel pour qu’on vous foute la paix…
Mais revenons à Guillon. Sa chronique de février 2009 concernant DSK a signé son déclin. Compte tenu de son succès et ne voulant pas lasser en usant des mêmes ficelles, il s’est cru obligé de s’attaquer de plus en plus aux politiques, non plus dans un registre humoristique discutable, mais dans celui de l'éditorialiste politique. Il tente de faire rire, mais depuis plusieurs mois, ses chroniques tombent à plat, malgré des cibles de choix : Éric Besson, Martine Aubry, Frédéric Lefebvre… On n’entend même plus les petits rires plus ou moins forcés des personnes présentes dans le studio.
Voilà ce qui risque d’arriver quand on mélange les genres. Faire preuve d’humour sans pour autant transgresser les règles est un exercice difficile. Pour perdurer, Stéphane Guillon s’est affublé du costume du journaliste d’opposition. Je ne pense pas que cette usurpation lui permette de rester encore longtemps propriétaire de la tranche horaire dans laquelle il sévit. De toutes les façons, le jour où il quittera France Inter, ce sera dû à la pression du pouvoir, non à son manque de talent : il faut savoir rester politiquement correct…
Michel Tournon
*Stéphane Guillon aggrave son cas, Canal+ Éditions,