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22 décembre 2007 6 22 /12 /décembre /2007 00:04

Bruno Bettelheim : l’empereur de l’imposture.

     Souvenez-vous, chers collègues enseignants (d’un certain âge) : dans les centres de formation, dans les stages, nos professeurs nous présentaient Bruno Bettelheim, avec une dévotion confinant à l’extase : si la place n’avait pas été occupée, il aurait pu prétendre au poste de Dieu. Ses travaux, ses  ouvrages, concernant en particulier l’autisme faisaient autorité auprès d’une basse-cour éthérée, dont la promptitude à encenser le premier gourou venu était proportionnelle à l’obscurantisme des pratiques mises en œuvre. Tout cela prêterait à rire si les remugles de ces théories fumeuses n’avaient pas atteint, pendant, plusieurs décennies, la psychiatrie française, la formation des psychologues et celle des enseignants.

     Bruno Bettelheim est un modèle d’imposture, tant par la biographie qu’il s’était fabriqué de toute pièce que par les prétendus résultats positifs qu’il affirmait avoir obtenus pendant une trentaine d’années dans l’école orthogénique de Chicago dont il fut nommé directeur en 1944. C’était un tyran, qui manipulait tout le monde, y compris les petites filles, qui truquait les résultats (prendre ses désirs pour la réalité est une constante dans les pseudo médecines). En gros, il recrutait les enfants (surtout pas noirs !) en les baptisant « autistes » selon ses propres critères. Et ils en sortaient bien évidemment guéris (toujours selon ses propres critères).

     La base de sa théorie reposait sur un raisonnement par analogie : pour lui, les autistes se comportent comme des prisonniers vivant dans les conditions extrêmes d’un camp de concentration. Quand le prisonnier est libéré, il va mieux… Alors, libérons l’autiste… Mais quel est donc ce milieu extrême pour un enfant autiste, me demanderont ceux qui suivent encore ? Le milieu familial, pardi et surtout, surtout la môman. Eh oui, si l’enfant est autiste, sa mère en est le kapo. Ne riez pas ; c’est la stricte vérité. Et au nom de cette connerie, on a culpabilisé des centaines de milliers de femmes à travers le monde qui se sentaient fatalement responsables de l’anomalie de leur rejeton et bien sûr, l’autiste n’allait pas mieux pour autant.

     C’est quand même dingue qu’on ait accepté qu’un tel cinglé mette en œuvre des pratiques fondées sur un raisonnement fallacieux  qu’un oursin tuberculeux aurait pu réfuter ! Le raisonnement par analogie est un des sophismes classiques tenus par les illuminés. Mais enrobé dans un discours aussi ésotérique qu’hermétique, il est souvent la pierre angulaire d’une théorie dont la magie attire ceux qui préfèrent la croyance à la compréhension. C'est tellement plus simple et confortable... Faire preuve d'esprit critique, c'est épuisant ! 

     De nos jours, quelques psys considèrent encore comme valide cette théorie. La peine de mort étant supprimée en France, il faut attendre que la nature fasse son œuvre, et manque de bol, l’espérance de vie ne cesse de croître. Au fil des années, la science médicale (la vraie, celle que l’on peut réfuter), a démontré que l’origine de l’autisme était essentiellement génétique, notamment au plan neurologique. 

    Le parcours de cet imposteur est édifiant et exemplaire de l’obscurantisme : il se fonde sur le mensonge, les trucages, la prétention scientifique, le refus des protocoles reconnus de validation, la croyance puis la chute (implicite, mais tous les anciens adaptes sont prêts à se jeter aux pieds du prochain nouveau gourou pour lui cirer les pompes, et plus si affinité). La psychanalyse en est à l’avant dernière de ces étapes, en France ; patientons : la décantation est un processus lent, fondé sur la gravité. Et en l’occurrence, la gravité serait de mise  si les films de Woody Allen n’étaient pas les seules conséquences positives de cette bouillie pour chats qu'est la psychanalyse.

    Bettelheim s’est suicidé en 1990 en s’étouffant dans un sac plastique. Toute sa vie il a eu la tête dans le sac, mais il s’en est aperçu trop tard. Personnellement, compte tenu de ses trop nombreuses victimes,  je regrette qu’il ait dû attendre 87 ans avant d’effectuer l’acte le plus sensé de toute sa vie.

Des références, en veux-tu en voilà :

Une courte biographie

Un livre incontournable

Le site Autisme France

Le point sur l'autisme


Le Livre noir de la psychanalyse (éditions des Arènes). Lire en particulier le chapitre consacré à Bettelheim.
La psychanalyse, cette imposture, Albin Michel, 1991 (Debray-Ritzen)

Michel Tournon

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