Édito de l'Os à moelle N°24 du vendredi 21 octobre 1938
Il n’y a pas de raison pour que
tout le monde ne soit pas comme les autres.
Coordonnons !
Par Pierre Dac
Monsieur Anatole de Monzie vient de prendre les mesures nécessaires, courageuses et indispensables en vue d’envisager l’éventualité des possibilités qui pourraient, le cas échéant, sauf avis contraire, faciliter la coordination de la route et du rail.
Ce n’est certes pas nous qui formulerons la moindre critique à ce sujet ; au contraire, nous applaudirons des deux mains à cette intelligente initiative que nous n’avons cessé de réclamer depuis toujours et même avant. Le pays ne se sauvera que par la coordination. Cependant, il ne faudrait pas s’imaginer que la seule application de la coordination à la route et au rail soit suffisante pour sortir de l’ornière le gouvernail des roues du char de l‘état.
La coordination doit être généralisée et étendue à toutes les branches de l’activité nationale, car elle est aussi indispensable à notre salut que le chapeau.
Tout en ne voulant diminuer en rien les indiscutables mérites de M. de Monzie en cette affaire, il est quand même bon de rappeler qu’il n’a fait que reprendre à son compte une vieille idée de plusieurs siècles et qui remonte si je ne m’abuse à la bataille de Bouvines ; vous souvenez-vous, chers lecteurs, des paroles qu’à la fin de cette journée l’illustre, Philippe Auguste prononça à l’intention de son adversaire Othon IV ? Non, sans doute ; moi non plus d’ailleurs, et c’est d’autant plus naturel que Philippe Auguste n’a rien dit du tout ; mais son silence qui en disait long était beaucoup plus éloquent que n’importe quel discours et il est hors de doute qu’à ce moment il n’était uniquement préoccupé que par la coordination.
Pour en revenir à l’extension de la coordination, il est indispensable que, dans les plus brefs délais, tout soit coordonné ; que par exemple, le fabricant de gazomètres coordonne ses efforts conjointement au dessinateur sur côtes d’agneau ; c’est tout aussi important que le rail et la route et les résultats, pour n’être pas aussi immédiats n’en exercent pas moins une action suffisante sur le résultat final.
Donc, coordonnons. La coordination doit devenir la lampe de chevet du leitmotiv de notre existence. Nous ne devons plus penser qu’à ça à toute heure du jour et de la nuit. D’ailleurs, dans coordination, n’y a-t-il pas le mot Nation ? Donc, qui dit coor dit Nation. Ça se passe de tout commentaire. Ou nous coordonnerons, ou nous disparaîtrons.
Pour nous, qui sommes toujours à l’avant-garde de ce qui précède les choses suivantes, nous donnerons, selon notre millénaire habitude, l’exemple, la coordination n’ayant plus de secrets pour nous, nous l’appliquerons dans la mesure la plus large à tous nos actes, n’ayant d’autre souci de que l’intérêt général mis au service de nos intérêts particuliers.