Date : Fri, 17 May 2002 22:21
De : jbouzou
Objet : Fantômes
Une petite ébauche de sketch
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LUMIÈRE PROGRESSIVE
(La scène représente des combles. il y a un vieux coffre, une table avec trois chaises. Le tout avec des toiles d'araignées. Sur le devant de la scène, deux fantômes. Ils portent des draps blancs fortement rapiécés, avec deux trous pour les yeux. ils ont des baskets. Chacun d'entre eux, a, attachés à son pied droit, trois boulets avec de très longues chaînes. Les boulets sont rassemblés près de leur pied droit.)
FANTÔME 1
(avec un fort accent provençal) Allez vaï, je commence.
(Il lance un cochonnet, ramasse un de ses boulets et pointe. Le deuxième fantôme ramasse un boulet. fait mine de tirer, puis reprend sa position, il regarde le premier fantôme en secouant la tête.)
FANTÔME 2
(avec l'accent provençal, aussi) Dis ! tu te pousses un peu, Émile. tu vois pas que tu me gênes.
(Le premier fantôme Émile s'écarte un peu. Lorsque le deuxième fantôme s'apprête à tirer, il tape bruyamment du pied gauche par terre puis sifflote, la tête en l'air, en faisant ostensiblement les cornes avec sa main droite...)
(en colère) Non ! tu vas pas recommencer ?
(Il jette son boulet par terre avec rage et croise ses bras en regardant le fantôme Émile.)
Tiens, tu veux que je dise. tu me fais perdre la boule.
FANTÔME ÉMILE
Oï, si on peut plus rigoler, Marius.
FANTÔME MARIUS
(en colère) Tu pousses le bouchon trop loin, Émile. La première fois. il y a quatre siècles. j'te cache pas que ça m'a beaucoup fait rire. Mais maintenant, ça commence à m'gonfler sérieusement . De toutes façon, avec toi, c'est toujours pareil. dès que Monsieur perd. faut qu'il commence à faire son cinéma. MONSIEUR ÉMILE EST UN MAUVAIS JOUEUR !.
FANTÔME ÉMILE
Oh Marius, je plaisante. Ca fait six siècles que je suis ici. je m'ennuie à mourir.
(On entend siffloter. Ils se taisent. De la coulisse droite de la scène, entre un troisième fantôme. Il a un drap couleur marron avec une pièce en tartan à hauteur du torse ainsi que des poches (deux devant et deux derrière). Il a un collier de fleurs exotiques autour du cou. Dans la main droite, il tient un boulet enchaîné à son pied droit et dans la gauche une grosse valise pleine d'autocollants de divers pays...)
NOUVEAU FANTÔME
(avec la voix d'Eddie Murphy) Salut les mecs !
FANTÔME ÉMILE
(s'adressant au fantôme Marius) Vé, qui c'est celui-là ?
FANTÔME MARIUS
(intrigué) Aucune idée !
NOUVEAU FANTÔME
Alors, ça biche les mecs ? !. Moi, c'est Fortuné !. J'viens pour le remplacement.
(Il leur tend la main. Les fantômes Émile et Marius tourne autour de lui, avec méfiance, en l'inspectant. Lui a toujours la main tendue. Le fantôme ÉMILE s'approche.)
FANTÔME ÉMILE
(serrant la main au fantôme Fortuné) Salut Fortuné. moi c'est ÉMILE. et lui là. c'est Marius.
FANTÔME FORTUNÉ
(enjoué) Enchanté les gars !.
(Le fantôme Marius s'approche de Fortuné. Très intrigué il touche son drap.)
(riant) Il est chouette, mon linceul, hein ? !.
FANTÔME MARIUS
Comment ça se fait que vous êtes marron ?
FANTÔME FORTUNÉ
J'étais avocat durant ma vie terrestre.
(Il se met à rire . Les deux autres se regardent sans comprendre.)
Non ! je plaisante, les mecs. je suis originaire des Îles. alors je suis un peu bronzé.
(Il rit encore tout seul.)
FANTÔME MARIUS
Votre tenue.
FANTÔME FORTUNÉ
Qu'est-ce qu'elle a ma tenue ? .
FANTÔME MARIUS
Votre tenue. elle n'est pas réglementaire. (désignant du doigt ses poches)
C'est quoi, ça ?.
FANTÔME FORTUNÉ
Ben, des poches, mec. t'es aveugle ! ! !
FANTÔME MARIUS
On ne vous a pas appris qu'un linceul n'a pas de poche ! ! !
(Ils éclatent tous de rire. puis le fantôme Fortuné arrête soudainement de rire. s'approche des deux autres et se met à tourner autour d'eux en les inspectant à son tour. les autres qui se sont arrêté aussi de rire, sont intrigués et en viennent à se regarder mutuellement pour voir ce qui ne va pas.)
FANTÔME MARIUS
(intrigué) Mais qu'est-ce qu'on a ?.
FANTÔME FORTUNÉ
Vous êtes malades ou quoi ?.
FANTÔME MARIUS
Non !. (intrigué) Pourquoi tu nous dis ça ?
FANTÔME FORTUNÉ
Hé bien, parce que je vous trouve blanc comme des linges, les mecs.
(Ils éclatent à nouveau tous de rire.)
FANTÔME ÉMILE
Allez viens t'asseoir !.
(Ils s'assoient autour de la table. le fantôme Fortuné est face au public.)
(reprenant son sérieux) Tu parlais d'un remplacement ? !.C'est toi alors, qu'on envoie pour remplacer Fernand ? !.
FANTÔME FORTUNÉ
Dans le mille Émile !. Je suis un fantôme intérimaire. c'est l'agence Ghostpower qui m'envoie.
FANTÔME MARIUS
Et Fernand. il va bien ?
FANTÔME FORTUNÉ
Très bien. le patron l'a libéré. Si tout va bien, il redescendra sur terre dans quelques années.
FANTÔME ÉMILE
Quelle chance il a notre Fernand !.
FANTÔME MARIUS
Et nous aussi !. J'te dis pas ! C'était devenu un vrai boulet, ce Fernand. il ne faisait que geindre !. On n'entendait plus que lui, ici.
FANTÔME FORTUNÉ
Hé vous les mecs, y a longtemps que vous êtes là ?.
FANTÔME ÉMILE
Six siècles pour moi.
FANTÔME MARIUS
Seulement quatre pour moi...
FANTÔME FORTUNÉ
Et vous avez pas envie de partir vous aussi ?.
FANTÔME ÉMILE
Je suis toujours attaché à ma femme.
FANTÔME FORTUNÉ
Et elle est où ta femme.
FANTÔME ÉMILE
À la cave. je l'ai murée. Quand quelqu'un la trouvera et l'enterrera. je
serais enfin délivré. en attendant, je dois rester ici. c'est ma punition.
FANTÔME FORTUNÉ
Et toi Émile ?.
FANTÔME ÉMILE
Moi, je suis attaché à mon or. je l'ai enterré dans l'oliveraie. tant qu'il n'est pas retrouvé . je dois rester ici. c'est mon châtiment.
FANTÔME FORTUNÉ
Dites les gars. y a un truc qui m'intrigue. pourquoi vous avez autant de boulets et de chaînes attachés au pied ?
FANTÔME ÉMILE
On s'ennuyait tellement que Dieu, dans son immense bonté, a accédé à notre requête. il nous a installés la deuxième et la troisième chaîne.
(Ils éclatent de rire.)
FANTÔME MARIUS
Et si cette année, nous nous conduisons biens, il nous attachera tous ensemble avec une longue chaîne. comme ça on pourra jouer en réseau.
(Ils éclatent à nouveau de rire.)
(reprenant son sérieux) Dis donc, Fortuné, pourquoi t'as choisi de bosser en intérim ?
FANTÔME FORTUNÉ
Pourquoi ? !.
FANTÔME ÉMILE
Voui ! pourquoi ?.
FANTÔME FORTUNÉ
Tout simplement parce que du fait de la précarité de l'emploi, j'ai de meilleures remises de peine. et donc au lieu d'expier pendant quatre siècles encore. je devrais être libre dans trois siècles seulement.
FANTÔME ÉMILE
(Sifflant) Quatre siècles encore. Hé ben dis donc !. Mais qu'est-ce que t'as fait, pour mériter ça !..
FANTÔME FORTUNÉ
J'ai tué ma femme !.
FANTÔME MARIUS
(enjoué) Toi aussi !. Ben, té !. Bienvenue au club !. Et te bile pas, vaï. si quelqu'un la retrouve et l'enterre. tu seras libre.
FANTÔME FORTUNÉ
Ha ça !. Ca m'étonnerait bien !.
FANTÔME MARIUS
Pourquoi ?.
FANTÔME FORTUNÉ
Parce que je l'ai mangée. Vous comprenez, j'aimais beaucoup ma femme. Au fait il est comment le boulot ici ?
FANTÔME ÉMILE
Bah ! avec les 35 heures, on a moins de boulot, maintenant. c'est plutôt peinard . on assure juste une vacation, le soir, entre 22 heures et 3 heures du matin.
FANTÔME FORTUNÉ
C'est chouette, ça !. J'ai fait un remplacement en Écosse, il y a quelques temps . Hé bien, c'est l'esclavage là-bas. comme les propriétaires exploitent les châteaux hantés. il faut faire peur aux visiteurs. jour et nuit. Du coup, on s'est tous syndiqués. et nous avons créé le SOS.
FANTÔME MARIUS
(intrigué) le SOS? ? ?.Quès aco, le SOS ? ? ?
FANTÔME FORTUNÉ
Le Syndicat Ouvrier des Spectres. Après une grève de trois semaines où pas un fantôme n'a hanté le moindre château - ça, je peux vous dire qu'à notre tour, on les avait mis dans de beaux draps -.
(Tous les trois rient.)
.on a fini par obtenir des conditions de travail convenables.
FANTÔME MARIUS
Ben, nous ici aussi, on a créé un syndicat !.
FANTÔME FORTUNÉ
(intrigué) Ha oui ?. Et comment il s'appelle ?
FANTÔME MARIUS
(avec l'accent africain) L'AFRIC !.
FANTÔME FORTUNÉ
L'AFRIC ? ? ?.
FANTÔME MARIUS
Voui !. L'Amicale des Fantômes Rigolos et Incroyablement Couillons.
(Ils éclatent de rire. on entend faiblement une chouette ululer.)
FANTÔME ÉMILE
Chuuuuut ! ! !. Vous avez entendu ? ? ?
(Tous se taisent. il y a un silence puis on entend cette fois-ci très nettement une chouette, ululer.)
Allez les gars. C'est l'heure d'aller au boulot !.
(Ils se lèvent tous de table. et suivent en file indienne, en laissant leur boulets traîner, le fantôme Émile qui se dirige vers la coulisse de gauche. On entend très fortement des bruits de chaînes. des gémissements. le bruit des boulets qui roulent. Il n'y a plus personne sur scène)
FANTÔMES
(sur l'air de la chanson des sept nains) Hé ! Ho ! Hé ! Ho !. nous allons au boulot.
NOIR
(un gros bruit de chute en coulisse. et un grand cri.)
FANTÔME MARIUS
Putain ! qui c'est le couillon qu'a éteint la lumière ?
(un bref silence. puis le rire à la Eddie Murphy du fantôme Fortuné. et de tous.)
FIN
jean-louis